Maurice Pons s'amuse de nos fantômes, des frontières entre les vivants et les morts, le rêve et la réalité. Chaque univers s'interpénètre et les protagonistes se mettent à douter de leur sens.
Je ne détaillerai pas par le menu, les onze récits, car cela n'aurait pas grand intérêt. Par contre, ce que l'on peut dire, c'est que Maurice Pons affectionne particulièrement le principe de la nouvelle à chute, genre ô combien difficile à maîtriser. Or, il le fait bien, et même mieux que ça. Chaque nouvelle propose un univers étoffé, quoique paradoxalement concentré dans la forme, et Maurice Pons embarque le lecteur avec une apparente facilité déconcertante. Ses phrases sont ciselées, précises, et le choix systématique d'une narration à la première personne favorise l'identification.
Pourtant, même si je reconnais toutes ces qualités littéraires à l'auteur, j'ai été moins séduite qu'avec Délicieuses Frayeurs. Je pense que cela s'explique doublement : tout d'abord, l'effet de surprise était moindre puisque je n'étais plus à l'étape de la découverte d'un style; ensuite, et c'est le reproche que je ferais à ce recueil proprement dit, les chutes de chacune des nouvelles reposent sur des ressorts assez similaires. Chaque récit, indépendamment l'un de l'autre, est un vrai régal. Mais les réunir amoindrit l'effet de surprise. Je pense donc que pour pouvoir apprécier ces histoires à leur juste valeur, il faut espacer leur lecture. Venir piocher de temps à autre dans le recueil, laissant la mémoire nous jouer des tours.
Ayant emprunté cet ouvrage à la bibliothèque, je n'ai pu malheureusement aborder ce recueil de cette façon.
Extrait :
Au secours !
[...] J'étais à peine réveillé, quand j'entendis la sonnerie du téléphone. Peut-être même est-ce la sonnerie du téléphone qui acheva de me réveiller, car je me souviens qu'il me fallut un certain temps pour réagir, pour me rappeler où j'étais, pour chercher sans trouver le commutateur de la lampe, pour me lever de mon lit, et traverser le studio à tâtons dans la pénombre et pour décrocher finalement le récepteur de l'appareil, qui se trouvait posé par terre sur la moquette, au pied de la table ronde.
Je n'eus même pas le temps de dire "Allô?" Tout de suite j''entendis une voix faible qui suppliait :
- GéVé ! Viens vite ! Au secours!
Puis j'entendis le bruit d'un appareil qui tombe par terre, et le bip bip caractéristique d'une communication coupée. Je raccrochais de mon côté. J'étais sûr qu'on allait rappeler. J'attendis un instant. On ne rappela pas.[...]
Éditions Le Dilettante - 176 pages
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