Ses collègues de bureau s'inquiètent rapidement de la tournure que prennent les évènements, mais rien ne semble pouvoir interrompre ces dialogues étranges. Et si nos deux noctambules solitaires parvenaient à dépasser leurs craintes respectives pour convenir d'un réel rendez-vous?
Les premières pages de ce roman m'ont vraiment déstabilisée. Maria Efstathiadi a choisi de n'utiliser que la virgule comme ponctuation de ses paragraphes, ce qui déjà est assez inconfortable puisque c'est au lecteur de trouver le rythme adéquat à la compréhension.
Mais comme si cette difficulté n'était pas suffisante, la narration passe sans cesse d'une voix à l'autre : l'ensemble des collègues de A., Vasso, une collaboratrice dont elle est plus proche, A. elle-même, sa mère, ses voisins, ses amis.... le tout dans une syntaxe relâchée, traduisant le langage parlé.
Les paragraphes forment des blocs condensés à l'intérieur desquels les dialogues, les descriptions, les parenthèses s'enchaînent sans démarcation physique.
Il règne alors une sensation de cacophonie, un peu comme lorsqu'une chorale s'accorde avant une représentation. On attend avec impatience le chef d'orchestre qui mettrait un peu d'harmonie à tout ça. Très vite, j'ai été tentée d'abandonner l'ouvrage tant je me sentais perdue dans cette logorrhée. J'étais donc prête à reposer le livre, mais j'ai regardé le sommaire et me suis aperçue qu'il y avait un changement de focalisation sur le dernier tiers du récit. J'ai donc décidé de poursuivre au moins jusque-là pour me faire une idée plus fidèle de ce qu'était cette histoire.
Et sans m'en rendre compte, je me suis habituée au flot de Maria Efstathiadi. Je posais naturellement les pauses à leur juste place, la cacophonie est alors devenue un chant polyphonique, déconcertant, certes, mais tout à fait intelligible.
Dans le dernier tiers, Maria Efstathiadi donne la parole à ce téléphoneur, et le récit change alors totalement de tonalité et de forme. Peut-être fallait effectivement ce maelstrom du début pour pouvoir mieux adhérer à la fin du roman.
Ai-je aimé au final? je ne sais toujours pas... J'ai en tout cas pénétré une forme littéraire qui m'avait jusque là rebutée. Mais je reste persuadée que j'aurais bien plus apprécié ce roman si la narration avait été plus classique. Pour que vous compreniez mieux mon désarroi, je vous mets en extrait une phrase, parmi les plus courtes, révélatrice du style de l'auteure.
Lire aussi l'avis de : Cuné
Extrait :
On n'a pas eu de mal à comprendre que de toute évidence c'était d'A. que Vasso voulait nous parler, seulement elle n'était pas là, c'est à propos de quelque chose qui lui est arrivé, bon bien sûr pas comme cette histoire par ordinateur, mais pas très loin, c'est pas avec Internet, n'allez pas vous imaginer ça, nous a dit Vasso, vous vous souvenez, vers Noël, le Jour de l'an, ce devait être cette période-là, elle était en train de se séparer de Nikos, parce que, si vous vous rappelez, elle était venue seule à la fête de Photini, en fait elle était super déprimée, A., ça ne pouvait plus durer, les disputes en permanence, ils en étaient même venus aux mains une fois, ça, Vasso, elle connaissait, elle avait donné peu de temps avant, même si c'était pas pour les mêmes raisons, mais finalement les séparations se ressemblent toutes, ces histoires de dignités c'est n'importe quoi, quand l'autre t'a cocufié dans les grandes largeurs, qu'il veut avoir le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière et qu'en plus tu as un gosse, la dignité et tout le bordel, c'est des conneries - elle parlait comme un charretier, Vasso, curieusement, on était habitués, faut dire aussi qu'à force on est à l'aise entre nous, c'est fatigant d'être toujours là à se faire des ronds de jambes-, lorsqu'elle nous a dit, mes histoires à moi vous les connaissez, on en a tellement parlé que moi-même j'en ai ras le bol, Nikos à cette époque il lui avait mis le couteau sous le gorge, à A., on s'en souvient tous, soit on se marie soit on arrête, un malade, finalement, un jaloux, c'était pas de l'amour, ça, il voulait la mettre sous clé, tu vois, un peu plus et il l'empêchait même d'aller au bureau, un truc vraiment bizarre, un garçon immature, au jour d'aujourd'hui, donc un de ces jours-là il lui est arrivé ça, à A., mais n'allez pas croire qu'elle me l'a raconté tout de suite, nous a dit Vasso, peut-être qu'elle avait honte, on la connaît mal, peut-être qu'elle voulait garder ça pour elle, voir comment ça tournerait, mais finalement elle m'en a parlé il y a à peu près un mois, un jour où elle me ramenait en voiture chez moi, on était allées au cinéma, on discutait un peu du film, je ne me souviens plus exactement, et elle m'a raconté son histoire presque en bas de chez moi, je ne sais plus, on est restées un peu dans la voiture, mais il fallait que je monte libérer ma sœur, on s'appelle, je lui ai dit, mais elle a dit non, elle ne voulait pas bloquer la ligne, j'en ai pas fermé l'œil.
Éditions Actes Sud - 141 pages
Commentaires
lundi 4 février 2008 à 15h17
Je l'ai vu chez Cuné qui était plus enthousiaste. Je l'ai noté, on verra bien!
lundi 4 février 2008 à 20h08
Choupynette : Oui, je viens d'aller lire son billet (je l'ajoute de suite en lien d'ailleurs), mais vraiment, l'absence de ponctuation m'a perturbée....
mardi 5 février 2008 à 00h40
Je viens de le noter chez Cuné! On verra ce que j'en penserai mais je suis définitivent curieuse!
mardi 5 février 2008 à 07h03
Faut que je le déniche et la feuillette alors...
mardi 5 février 2008 à 13h26
Oh là !!! C'est un texte codé pour espions ?? Je passe mon tour sans aucun état d'ame.
vendredi 8 février 2008 à 00h12
bladelire.canalblog.com/a...
Et hop, comment refiler la patate chaude !
vendredi 8 février 2008 à 14h30
Karine et Cathulu je suis curieuse de savoir si vous apprécierez ou non le style très particulier de cette auteure.
c'est tout à fait ça !!
Dda : Arf !
Bladelor : désolée, mais je ne réponds jamais à ce genre de patates chaudes.... Je suis d'ailleurs connue pour ne jamais reprendre de chaîne...
vendredi 8 février 2008 à 17h24
Ok, je le saurai une prochaine fois !