Bonbon, Bartelo et Zalamite sont les Chbanis du quartier de la Goutte-d'Or. Tous trois algériens, ils sont arrivés en France quelques années avant la déclaration d'indépendance. Et puis, la vie a passé...

Aujourd'hui, ils dorment dans un foyer et se retrouvent chaque jour à la Choppe Verte où la jeune Zaza, née en France, les accueille comme ses propres grands-pères. Il y a aussi le marabout Hadj Fofana qui vous propose de retrouver l'être aimé; Med, l'écrivain public; Hamouda le boucher ou Brahim les coiffeur. Si Bonbon, Bartelo et Zalamite ne mangent que de la viande Halal, il ne boudent pas pour autant les plaisir d'une bière bien fraîche en fin de journée.

Le récit d'Abdelkader Djemaï est ponctué de flash-back et ouvre des brèches dans le passé de ces trois amis. Il évoque l'arrivée en France, les dures conditions de travail, la nuit du 17 octobre, la dignité malgré les coups du sort.

Ces trois hommes sont bien sûr émouvants, et le regard qu'ils portent sur la France est souvent tellement juste. Et pourtant je n'ai pas été emportée par le flot des mots. Sans être totalement froide face à leur histoire, je n'ai pas ressenti les émotions qui m'avaient fait vibrer dans Le nez sur la vitre.

Par Laurence


Où j'ai retrouvé avec plaisir l'auteur de Le nez sur la vitre. Autres lieux, autres situations, des personnages tout aussi attachants avec chacun son caractère et son histoire personnelle, Je me suis souvent retrouvée en pensée assise aux côtés de Bonbon, Bartolo et Zalamite sur un banc du quartier de la Goutte d'or. Toujours cette même qualité d'écriture et d'observation de l'auteur qui me l'attache encore plus.
Une histoire, des récits de vie différentes, un autre point de vue lucide mais non sans tendresse sur cette immigration que l'on a longtemps voulu ignorer.
Ma préférence reste pour Le nez sur la vitre mais Gare du nord ne perd pas au change.
Une très bonne lecture et un auteur que je vais suivre très très attentivement.

Dédale
le 21 avril 2008

Extrait :

Bonbon, Bartolo et Zalamite n'avaient jamais vu qu'une fois ou deux la tour Eiffel et les Champs-Élysées, et n'avaient jamais pris le bateau-mouche pour glisser sur la Seine. Ils naviguaient dans les rues comme s'ils étaient condamnés à refaire le même itinéraire, les mêmes haltes, à revoir les mêmes arbres du square, à repasser devant les façades qu'ils longeaient depuis des années. Seules les cabines téléphoniques semblaient changer d'aspect. Derrière leurs vitres épaisses, elles accueillaient différents occupants, calmes ou agités, impassibles ou souriants. Ils les apercevaient de dos, de profil, de face, accroupis, le combiné collé contre la bouche, un cartable ou un sac posé à leurs pieds.
Chaque jour, ils croisaient des gens de tous les pays, de toutes les couleurs, des touristes en short sous un parapluie qui grimpaient avec leurs appareils photo vers le Sacré-Cœur ou la place du Tertre. Il y avait aussi les clients empressés des magasins, des pickpocket, des dealers, des prostitués des deux sexes, des flâneurs avec leurs chiens, des badauds, des employés avec le sandwich à la bouche.
Les trois vieux ne mangeaient jamais dans la rue. Ils pensaient que cela ne se faisait pas, que ce n'était pas bien. Ils ne comprenaient pas non plus pourquoi les chiens et les chats étaient autant choyés. Plus gâtés que des enfants de riches, nourris comme des rois, ils se répandaient partout, sur les trottoirs et au pied des platanes. Ils avaient des salons de beauté, des garde-robes, de très jolis colliers, des cliniques, des cimetières rien que pour eux. Les plus veinards partaient en vacances à l'étranger. Vaccinés et pomponnés, ils prenaient l'avion ou le bateau dans une cage bien douillette.

couverture
Éditions Points - 91 pages