Ainsi s’inscrivent les deux pièces maîtresses de ce récit lyrique et poétique : une rencontre improbable qui se développera en désir dévorant et un avortement difficile du fiancé absent. Il s’agit donc d’une histoire de désir impossible, d’une relation secrète et maudite, passionnelle et sans lendemain. Il y a aussi, dans cet étrange récit, la volonté de faire un pont entre la douleur de l’enfant perdu et celle de cet amour impossible, l’innocence du jeune juif comblant le vide de l’enfant qui ne sera jamais.

Tassia Trifiatis écrit incroyablement bien. Il y a une poésie, un lyrisme, une richesse dans sa plume qui donne envie de la connaître plus, de l’entendre davantage. Mais en attendant un deuxième roman, je n’ai pas du tout embarqué dans cette histoire comme une métaphore. À un moment donné, la poésie semble s’enrouler sur elle-même et ne pas avoir d’autres fins. Je suis assez d’accord avec Jade Bérubé de La Presse lorsqu’elle écrit «… la poésie des premiers chapitres ne prend pas l'envol attendu par la suite et l'on se surprend à espérer un développement autre que lyrique.» Je ne saurais mieux dire !

J’ajouterais que l’entêtement de Neffeli a fini par me tomber sur les nerfs. Je suis dans une phase où les personnages littéraires qui font des fous d’eux sous prétexte de passion m’énervent au plus haut point. Comment disent-ils… been there, done that !

Par Catherine

Extrait :

Au début de mon manège, j’étais une novice. Je ne savais jamais comment détecter son sentiment de culpabilité lorsque ce dernier grimpait en lui. Je savais seulement que s’il se pointait à ses lèvres, cela signifiait qu’il était déjà trop tard pour le convaincre de redescendre. Dans ces moments-là, je ne pouvais même plus supplier Yéhouda de ne pas s’évader de chez moi. Sa bouche, ouverte en ma direction, se mettait à m’envoyer à la figure des qualificatifs blessants. Ce n’était pas ma faute s’il était juif. Peut-on se trouver coupable d’être une interdiction ?

Lorsque enfin il avait terminé de me cracher des accusations, je ne pouvais qu’être persuadée de l’imminence d’une longue séparation. J’ai mis du temps à comprendre le processus : sa période de repentir était suivie d’une période de retour. Comme en religion : le croyant regrette, le croyant revient sur ses pas. Mais où les mènent-ils ? Ceux de Yéhouda le ramèneraient toujours jusqu’à ma fenêtre. Le garçon juif tentait de s’en aller pour souffler sur les brûlures laissées par mes empreintes. Il croyait que ça les calmerait et qu’à elle seule sa respiration convaincrait Dieu. Oui, s’il avait pu jurer, il aurait juré qu’il ne recommencerait plus jamais de sa vie ce jeu punissable. Mais l’écoute de ses propres expirations sonores, destinées à le soulager de ses fautes, lui faisait toucher l’ennui davantage. J’étais désormais la seule femme qu’il connaissait.

Parfois, son retour semblait ne jamais vouloir poindre. Ce n’était pourtant qu’une question de temps. Abandon allait bientôt être synonyme de réapparition. J’avais compris comment participer : cela ne m’a jamais consolée.

couverture
Éditions Leméac - 141 pages