Avant tout il narre les aventures chevaleresques de cette jeune Léola, devenue lettrée, cultivée et embarquée dans une vie pleine de surprises aux côtés de Nynève, une fée de savoir. Nynève lui servira de mentor, de soutien, d’amie. Nynève, la rousse, connaît bien du Beau Monde. Jugez en : Merlin ou Myrddin pour les intimes, Aliénor d’Aquitaine, le futur Richard Cœur de Lion, la grande Héloïse, veuve d’Abélar…etc. Cette histoire joue avec l’Histoire, la grande avec quelques petits tours de passe-passe que les férus d’histoire lui pardonneront car cela tient la route. Pour une première approche romancée de cette période, du catharisme… c’est bien ce qu’il faut. Pour les autres, ma foi, il ne faut pas être trop puriste.

Ce roman nous dresse aussi un tableau d’une rare violence. On croise finalement peu de preux chevaliers mais surtout les croisades sanglantes contre les Albigeois, l’affreux Simon de Monfort, la création de l’Inquisition, et des guerres diverses et variées, sans oublier la misère et la servitude des plébéiens. Pourtant, pourtant, cette période si troublée servira de terreau à la Renaissance si rayonnante des lettres, des arts en tout genre.

Finalement, j’aurai apprécié un texte moins long, plus enlevé dans les aventures, plus « épique » comme un bon « Ivanohé ». Mais on suit Léola et Nynève dans leurs pérégrinations moyen-âgeuses au pas tranquille d’un bon percheron. C’est plaisant et reposant.

Mais là où je reste vraiment frustrée, c’est sur l’histoire du Roi transparent, que l’auteure nous distille avec parcimonie pour ne pas dire vice !! Elle nous est contée dans son intégralité à la toute fin du roman et et… Lisez, vous comprendrez.

Dédale

Du même auteur : Des larmes sous la pluie, Instructions pour sauver le monde, La fille du Cannibale

Extrait :

- Tu écris toujours ton livre des mots ?
La question de Nynève me surprend. Je me redresse et je la regarde. Mon amie, qui est aussi en train de travailler dans le verger, se repose appuyée sur sa houe.
- Oui. Pourquoi ?
- Parce que je voudrais te faire cadeau d’un mot. Le meilleur de tous.
- Ah oui ? Lequel ?
- Compassion. Qui est, comme tu le sais, la capacité de se mettre dans la peau du prochain et de ressentir avec l’autre ce qu’il ressent.
- Oui, il me plaît. Mais pourquoi dis-tu que c’est le meilleur ?
- Parce que, de toutes les belles paroles, c’est la seule pour laquelle on ne blesse pas, on ne torture pas, on ne fait pas prisonnier et on ne tue pas… Bien au contraire, la compassion évite tout ça. Il y a d’autres mots très beaux : amour, liberté, honneur, justice… Mais tous, absolument tous, peuvent être manipulés, peuvent être lancés comme des armes et faire des victimes. Par amour pour leur Dieu, les croisés allument des bûchers et à cause d’un amour aberrant les amants jaloux tuent leurs bien-aimées. Les nobles maltraitent et abusent de leurs serfs comme des barbares au nom de leur supposé honneur. La liberté des uns peut signifier la prison et la mort pour les autres, et quant à la justice, chacun croit qu’elle est de son côté, même les tyrans les plus atroces. Il n’y a que la compassion qui empêche ces excès : c’est une idée qui ne peut pas être imposée aux autres par le feu et le sang parce qu’elle oblige justement à faire le contraire, elle oblige à aller vers les autres, à les ressentir et à les comprendre. La compassion est le cœur de ce que nous avons de meilleur. Souviens-toi de ce mot, ma Léola. Et quand tu t’en souviendras, pense aussi un peu à moi.

couverture
Éditions Métaillé – 463 pages
Traduction de l’espagnol par Myriam Chirousse