Dans ce livre, Michel Tremblay présente douze moments forts de sa vie liés au «théâtre» : de sa première pièce à six ans, Babar le petit éléphant, jusqu’à sa victoire au Concours de jeunes auteurs de Radio-Canada, Michel Tremblay nous raconte comment le théâtre et l’opéra ont changé sa vie, surtout son adolescence. Par le biais de ses prétextes il dresse aussi le portrait des années 50 dans un Québec ouvrier et populaire et esquisse les changements qui s’annoncent déjà pour les années qui suivront. Il parle abondamment de sa famille, particulièrement de sa relation avec sa mère, la fameuse Nana et de son parcours parallèle à sa découverte du théâtre, celui de l’éveil de sa sexualité homosexuelle.
Voilà un livre magnifique. Peut-être mon préféré de Tremblay. Il est certain que j’aime beaucoup tout ce qui relève du diarisme et de l’autobiographie, mais c’est surtout un livre d’une grande humanité qui donne de puissantes envies de culture. Je me suis prise à regretter d’être née trop tard pour voir la création d’Un simple soldat à la télévision ou Monique Leyrac chanter l’Opéra de Quat’sous. Ça m’a même donnée envie de me mettre à l’opéra (pour en écouter, rassurez-vous, non pas pour en chanter) ! C’est évidemment un livre très québécois en ce qu’il développe sur la vie culturelle du Québec de cette époque, mais je crois qu’il peut être universel par les personnages attachants et par ce rapport à la fois intime et global avec la création et la créativité.
Un grand coup de cœur en Douze coups de théâtre !
Du même auteur : Hotel Bristol New-York N.Y., Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges, Albertine en cinq temps, Encore une fois si vous permettez, Hosanna, Belles-Sœurs, Le vrai monde?, La grosse femme d’à côté est enceinte, Le cœur découvert, La traversée du continent, Un ange cornu avec des ailes de tôle et Pièce à conviction (entretien avec Michel Tremblay)
Par Catherine
Extrait :
Elle sentait le camphre. Je voyais la petite épingle dorée retenant le carré de camphre qui n’avait pas quitté sa jaquette depuis le mois de novembre.
- Tu sens l’hiver.
- T’as ben raison, j’devrais ôter ça…
Elle entreprit de dégrafer l’épingle mais ses mains s’étaient déformées un peu plus ces derniers mois ; je dus l’aider avec mes petits doigts malhabiles.
- Tu veux y aller au spectacle demain, hein ?
- Certain… Daniel Paradis y va avec sa matante, j’veux y aller moé aussi !
- J’vas parler à ta mère…
- Pourquoi tu penses qu’a’veut pas que j’aille ?
- C’est pas qu’a’veut pas que t’ailles… c’est juste que c’est pas son idée à elle… pis qu’a’l’a probablement peur d’être inquiète. Tu comprends, a’sera pas avec toé pour te surveiller…
- La madame a l’air fine, a’parle comme dans le radio !...
- Mais on la connaît pas.
Un bruit de pas dans le corridor, la tête de ma mère dans l’entrebâillement de la porte.
« Michel, laisse ta grand-mère tranquille, c’est l’heure du lit.»
Me sentant protéger par la présence de ma grand-mère, je pris mon courage à deux mains.
«C’est-tu vrai que t’as peur de la madame parce qu’on la connaît pas ?»
Maman regarda sa belle-mère avec une lueur de reproche, comme si celle-ci venait de la trahir.
- Qu’est-ce que vous y’avez mis dans’tête, encore !
- J’vois pas pourquoi c’t’enfant-là aurait pas le droit d’aller voir un spectacle…
- Même avec une étrangère qui pourrait… je le sais pas, moi… le vendre !
Elle me prit par la main d’une façon un peu brusque, ce qui ne lui ressemblait pas du tout, pendant que sa belle-mère éclatait de rire.
- Enfant insignifiant ! Arrête donc d’aller toujours bavasser à ta grand-mère comme ça… A’ rit encore de moi, là…
Éditions Actes Sud/Babel - 290 pages
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