Je ne vais tout de même pas vous résumer cette histoire que vous connaissez tous plus ou moins, selon votre lieu d’origine ou votre âge, selon vos croyances ou celles qu’on a tenté de vous inculquer de gré ou de force. Mais la voilà reprise cette histoire sous le signe du roman d’enquête, presque policier. Pilate ne peut pas croire en la résurrection de ce Yéchoua, et la rumeur qui court dans Jérusalem pourrait bien représenter une source de déstabilisation dont l’Empire romain n’a pas besoin dans ces contrées si peu hospitalières. Cet ouvrage qui porte essentiellement sur le choc entre foi et raison oblige à réfléchir, en le lisant, à notre propre rapport à l’un et l’autre.
Voilà un bouquin réussi et pour le moins original. Même si je suis de celles qui aiment Eric-Emmanuel Schmitt, mais d’un amour tiède, constatant le talent sans jamais trouver l’exaltation, je me dois de reconnaître son imagination féconde, son talent de conteur et sa capacité étonnante à être prolifique sans se répéter. Ici, la deuxième partie du roman (la parole de Pilate) est le cœur de tout, au point où en bout de course on se rappelle à peine la première… J’irais jusqu’à penser qu’elle est inutile…
Notons aussi que l’importance de la foi pour Eric-Emmanuel Schmitt est un secret de polichinelle et qu’on ne doit pas espérer sortir de ce livre avec une réponse rationnelle à la résurrection du Christ. Il n’y a finalement pas de réponse, la réponse étant que peu importe la véracité du moment, ce qui importe c’est l’ampleur de son impact. La recherche est bien menée et Schmitt récupère dans ce livre les diverses études historiques sur la vie et la mort du Christ et différentes théories visant à expliquer son «retour» sur terre après trois jours au tombeau.
Un ouvrage intéressant donc. Surtout pour les fans du monsieur (ben d’un des deux messieurs, celui qui écrit et celui dont on parle). Et je sais qu’il ne s’agit pas d’être croyant pour s’intéresser au mystère Jésus !
Par Catherine
Du même auteur : L'enfant de Noé, La nuit de Valognes, La part de l'autre, Le visiteur, Le baillon et L'école du diable, Lorsque j'étais une œuvre d'art, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Odette Toulemonde, Oscar et la dame en rose et La rêveuse d'Ostende
Extrait :
Je hais Jérusalem. L’air qu’on y respire n’est pas l’air mais un poison qui rend fou. Tout devient excessif dans ce dédale de rues qui ne sont pas faites pour se diriger mais pour se perdre, sur ces chaussées où l’on se cogne au lieu de circuler, parmi ce fracassement de langues qui arrivent de tout l’Orient et qui ne parlent que pour ne pas s’entendre. On crie trop dehors, on chuchote trop dedans. On ne respecte l’ordre romain que parce qu’on l’exècre. La ville pue l’hypocrisie et les passions contenues. Même le soleil, au-dessus de ces remparts, a des airs de traître. Tu ne peux pas croire que c’est le même soleil qui brille sur Rome et rôde sur Jérusalem. Celui de Rome produit de la lumière, celui de Jérusalem attise l’ombre : il crée des coins où l’on complote, des allées où les voleurs s’enfuient, des temples où le Romain ne peut mettre le pied. Un soleil qui éclaire contre un soleil qui obscurcit, voilà ce que j’ai troqué lorsque j’ai accepté d’être le préfet de Judée.
Je hais Jérusalem. Mais il y a quelque chose que je hais plus encore que Jérusalem : c’est Jérusalem pendant la Pâque.
Éditions Le Livre de Poche - 282 pages
Commentaires
samedi 23 février 2008 à 08h44
j'ai tendance à faire partie des fans du monsieur. Mais je n'ai jamais réussi avec celui là (enfin je n'ai jamais essayé!) trop de religion dans l'air pour moi.
Mais bon, peut être un jour je m'y esserai...
samedi 23 février 2008 à 11h45
J'avais bien aimé ce roman, et pourtant, je ne suis pas spécialement attirée par la religion !
samedi 23 février 2008 à 15h31
celui ci a fait le tour des lecteurs de la famille, un des meilleurs de EE Schmitt pour moi
samedi 23 février 2008 à 17h50
Tu défends bien le monsieur pour quelqu'un qui n'en est pas une fan. J'ai lu un seul livre de lui, comme Toutlemonde j'ai lui Odette Toutlemonde et je tiens à le relire (pas Odette là !). Tu as su choisir un bel extrait qui me donne vraiment le goût et il n'était pas évident ce goût car le titre me rebute car, pour moi la foi, ne rime pas nécessairement avec la religion.
samedi 23 février 2008 à 23h45
Je plussoie, à la critique comme aux commentaires.
Etant sensible aux deux messieurs dont il est question, c'est une lecture que j'ai énormément apprécié, tant pour le côté littéraire, que dans le questionnement personnel que certaines remarques du roman ont soulevé.
Venise, si je puis me permettre, je suis d'accord avec ta vision de ne pas mélanger la foi et la religion. La foi est quelque chose de personnel tourné vers "un être supérieur" (quelque soit la manière dont on l'appelle), tandis que la religion est simplement le message de cet être vu et transformé (nécessairement) par les hommes.
Aller plus loin dans ce débat serait polémiquer et sortir du sujet...
cependant, je t'encourage à approfondir ta connaissance de l'oeuvre de Schmitt qui est à mon sens tout à fait intéressante, et à pousser la curiosité un peu plus loin : croiser certains romans avec d'autres oeuvres d'un certain Luis Sepulveda, ou d'un Bernard Werber (dont les thèmes se rejoignent pas mal).
lundi 25 février 2008 à 03h26
Je l'ai lu l'été dernier et l'ai beaucoup aimé, même si je lis très rarement les livres qui touchent à la religion... un bon moment de lecture!
mardi 26 février 2008 à 17h48
J'ai lu trois livres de Schmitt et celui-ci était de loin mon préféré, même si je m'en souviens assez peu maintenant. Ses pièces de théâtre sont intéressantes aussi, peut-être pourrais-tu poursuivre ta découverte de cette façon ?
lundi 22 juin 2009 à 14h55
Je ne suis pas forcément un grand fan de cet auteur, mais il faut reconnaître que ce roman est excellent. Original, captivant, bien écrit, et en plus il fait réfléchir. Probablement son meilleur.
vendredi 7 janvier 2011 à 00h58
Auriez-vous vu Jacques Weber jouer Pilate et donc ce texte de Schmitt ? Je ne sais pas si la pièce a été filmée et si elle est devenue un DVD, mais si c'est le cas, je vous recommande de voir cet immense acteur interpréter ce texte très intéressant (et pourtant je ne suis pas un fan de cet auteur).