On suit donc la narratrice à Cuba, New-York, puis Venise pour ensuite revenir à Paris en Orient-Express. Au fil de son voyage, de ses étapes, elle égrène ses souvenirs de leur rencontre, les moments passés ensembles. Pourtant oublier Clément est difficile, preuve que le dicton « loin des yeux, loin du coeur » ne peut être efficace pour toutes les blessures. On découvre aussi ce Clément tant aimé, dont on ne connaîtra jamais le point de vue. L'a-t-il réellement aimée ? Cette relation n'était-elle pas perdue d'avance tant leurs caractères étaient si particuliers.
Philippe Besson nous raconte ce travail de guérison mais nous parle aussi de l'écriture par le biais de ces lettres. Louise précise : « je sais bien, et depuis le début, qu'elle n'est que pour moi, cette écriture, que j'en suis l'éméttrice et la destinataire, qu'elle va de moi à moi. ».. « Mais n'est-ce pas là le lot de toute écriture ? On n'écrit jamais pour les autres, jamais. On n'écrit que pour soi. On prétend dialoguer mais tout n'est que soliloque ».
L'auteur nous parle de l'amour et des relations hommes-femmes également. Quelques lignes peuvent parler au plus grand nombre, par leur justesse de ton, la pertinence des mots. Parfois , on ne peut que s'identifier à Louise et à d'autres moments, le fossé se creuse parce qu'intimement, nous n'aurions pas réagi ainsi. A chacun sa façon de traiter ses blessures, surtout amoureuses.
Un thème aussi souvent traité, périlleux, le talent de l'auteur est toujours aussi convainquant sur les sujets qu'il maîtrise que sont ceux de l'absence, l'abandon, la douleur. Il laisse parler le cœur, les larmes, les restes de passion, la rancœur mais toujours avec honnêteté, lucidité. Ces lettres ne tombent pas dans le mièvre, le trop larmoyant. Le talent d'un écrivain se jauge à sa capacité à éviter ce type écueil.
Finalement, j'ai été contente de cette lecture, d'avoir retrouver un de mes auteurs chouchous, même si cet ouvrage ne figurera pas parmi mes titres préférés. Je suis encore trop sous l'effet de la poésie, la puissance de En l'absence des hommes, Jours fragiles ou Son frère. A mon sens, ses meilleurs romans.
Lire aussi l'interview exclusive sur ce même site.
Du même auteur : En l'absence des hommes, Retour parmi les hommes, Son frère, L'arrière saison, Un garçon d'Italie, Les jours fragiles, Un instant d'abandon, Un homme accidentel et La trahison de Thomas Spencer
Dédale
Extrait :
Sur les pancartes, il est inscrit « Porta Nuova ». Je ne suis jamais venue dans cette partie de l'Italie. J'ai la tentation de descendre de ma voiture pour aller à la rencontre de cette ville étrangère dans un pays familier mais je me tiens à la décision prise : mon retour en France. Si je commene à faire des haltes à la moindre occasion, je ne regagnerai jamais Paris. Donc je ne ferai que passer dans la cité des amants maudits, c'est aussi bien. Je crois furtivement les regards de ceux qui restent et les perds aussitôt. Déjà, notre convoi s'ébranle. Le quai se vide, s'éloigne, les panneaux disparaissent. Dans quelques minutes, les maisons se raréfieront, ce sera la campagne italienne, les herbes folles couchées par le vent du soir, quelques vignes qui donnent du mauvais vin, la nuit qui gagne. Je vais être seule à nouveau, derrière la fenêtre séparée en deux par une plinthe horizontale en acajou contre laquelle j'appuie mon front. Seule avec ton souvenir, et ton absence, et ton silence, et l'écriture qui tente de les réduire.
La nuit – à Paris ou dans les chambres d'hôtel -, il m'arrive encore de me réveiller et de porter la main sur la partie du lit demeurée inoccupée et d'y chercher ta présence. Dans l'état de demi-sommeil où je me trouve, il me faut plusieurs secondes avant de comprendre, d'admettre ma méprise, et d'avoir honte, et d'avoir mal. Mais, pendant ces secondes-là, j'oscille entre l'effroi et l'espoir, je ressens la peur de l'enfant se figurant que ses parents l'on abandonné et son désir affolé de s'être trompé. Ce sont des secondes terribles et épuisantes, les suivantes sont justes humiliantes.
Mais cela se produit de moins en moins souvent, signe que je vais mieux.
Éditions 10-18 – 188 pages
Commentaires
lundi 10 mars 2008 à 11h25
J'aime beaucoup le principe de ce roman et il me fait penser par associations d'idées à "Cher Diego, Quiela t'embrasse" de Poniatowska, où il est aussi question d'un amour d'un seul point de vue, sans que l'on sache jamais si l'autre a aimé en retour ou s'il n'a été qu'une illusion, une réinvention de l'écriture.
(par contre je trouve que la couverture de Se résoudre aux adieux n'est pas attrayante, mais je ne saurais pas dire pourquoi...)
Kiki
lundi 10 mars 2008 à 11h36
Merci Posuto pour la référence au Poniatowska. Cela fait des lustres que ce livre est dans ma pile. Je vais tâcher de le faire remonter un peu. Cela me permettra de comparer un peu.
mercredi 12 mars 2008 à 00h08
J'avais aimé cette lecture, ma seule de cet auteur. J'en ai un autre en attente que Flo m'a passé et j'ai bien noté les autres !
mercredi 12 mars 2008 à 18h47
Quand j'ai lu ce livre, j'ai moyennement aimé. Mais il est vrai que je l'ai lu à une époque un peu difficile pour moi. Je ne connaissais par cet auteur et votre article m'a donné envie de tenter ses autres romans.
mercredi 12 mars 2008 à 19h59
Comme je le mentionne dans mes impressions, ce livre n'est pas - à mon humble avis bien sûr - le meilleur de Ph. Besson, même s'il se lit très bien. Je ne saurais trop vous conseiller la lecture de ses autres titres et notamment ceux cités en fin de billet. Là aussi, il s'agit de choix tous personnels. A lire toutefois.
Vous reviendrez nous dire vos appréciations ? En attendant, bonnes lectures, Voybam.