Livre premier : en Gaspésie, Jude est élevé par son grand-père, Hervé Hervé, puisque sa mère s’est enfuie après sa naissance et sa grand-mère Georgianne aussi est disparue. Suite à la mort de sa jumelle naine il décidera de s’enfuir vers les Etats-Unis. L’attendent une courte carrière de boxeur et une métisse prénommée Louise qui lui donnera une petite fille. L’attendent encore maints exils et abandons, maints voyages. La lignée des géants, c’est celle de la force brute, c’est aussi celle de la culpabilité malgré soi : «Un géant finit toujours par avoir l’air coupable.»
Livre deuxième : en Gaspésie, Hervé Hervé a honte de ses enfants nains et les vend à d’autres familles. Sa femme Georgianne protège particulièrement son fils Jean en qui elle voit le dépositaire d’une tradition spirituelle. Jean finit par quitter le nid familial étouffant pour aller vers l’Ouest canadien. Suite à une vision, Georgianne part à sa recherche à pied. Elle ne trouvera pas Jean, mais elle trouvera François un jeune enfant tout petit qu’elle prendra pour le fils de son Jean. Elle adopte François et s’enfuit avec lui vers Montréal. S’ouvre une autre histoire de recherche de soi, d’exils et de séparations. La lignée des nains, c’est celle de la spiritualité et de ses méandres.
Au début de ma lecture ce livre m’a laissée perplexe, mais après une cinquantaine de page j’ai adhéré à cet univers où se rejoignent réalisme historique et allégories éclatées. Tout dans ce livre verse dans l’excès, à la hauteur des personnages qu’il met en scène. La langue est juste et puissante. Les images sont percutantes. C’est une grande fable sur l’attachement et la quête identitaire. J’ai été assez troublée par ces personnages qui perdent constamment leurs repères comme s’il leur était impossible de se construire un cocon familial où ils seraient confortables. Une belle mention pour l’originalité et la créativité : il me semble que ce Vandal Love ne ressemble à rien !
Il m’a tout de même semblé que certaines longueurs rendent le récit un peu lourd, particulièrement dans le Livre premier. Il faut dire que j’ai nettement préféré le Second livre dont le regard ironique sur les quêtes spirituelles traversant tout le siècle m’a semblé particulièrement juste et pertinent. J’ajouterais que les 40 dernières pages du livre sont les meilleures et valent à elles seules le déplacement !
Par Catherine
La Recrue du mois est une initiative collective qui met en vedette le premier ouvrage d’un auteur québécois. Pour lire les autres commentaires sur ce livre vous pouvez donc vous rendre sur le site de La recrue du mois
Extrait :
Il conduisit toute la journée en silence. Le temps avait d’abord semblé s’accélérer, comme cela arrive au moment d’un départ, dans la foulée de ce qui débute, dans un instant charnière, dans les préparatifs qui se multiplient avant de s’engouffrer dans une lente dérive. Les numéros et les noms ne signifiaient plus rien, ils n’était que des indications permettant de traverser une vaste étendue : I-82 jusqu’à Yakima, couper par l’Oregon, passer Eagle Cap et Red Mountain, franchir La Grande et Baker City, traverser une place nommée Ontario pour se rendre jusqu’à Boise, Snake River et entrer dans l’Utah. L’immensité, le ciel balayé à l’infini, et même la lumière l’amenèrent à une comparaison avec Montréal, la lumière gracile de l’est et celle-ci telle une chute de pluie, pleine, comme si elle avait été engrossée par le pays qu’elle venait de traverser, un pâturage de lumière. Le jour s’écoula et l’obscurité elle-même se fit porteuse de ce sentiment d’ouverture, d’espace désert.
Éditions Québec Amérique - 344 pages
Commentaires
mercredi 16 avril 2008 à 03h50
J'ai préféré aussi le Livre Second et la fin... j'ai eu plus de mal que toi avec le Livre premier, je pense. Par contre, j'ai beaucoup aimé la plume, les différences dans la langue utilisées et les images évoquées!