Le travail graphique de Shaun Tan est saisissant, fascinant, émouvant. Des tableaux d’une ou deux pages alternent avec le récit, scénarisé dans des petits carrés. L’album est faussement monochrome, du jaune au noir en passant par le sépia, au gré des émotions du personnage principal, ou pour traduire l’intrusion de « récits » dans le « récit », le partage d’autres expériences d’émigration.

Bien que muettes, les 128 pages de Là où vont nos pères proposent le récit linéaire et optimiste d’un homme qui émigre, comme d’autres avant lui et d’autres après lui. Shaun Tan détaille (c’est le mot) le voyage, l’enregistrement et le contrôle médical à l’arrivée, la recherche d’un emploi, la solitude, le déracinement, le sentiment d’étrangeté… L’absence de texte est alors tout autant un choix graphique que logique, quand le héros ne parle pas la langue de son pays d’accueil. C’est également pour rendre cette étrangeté au quotidien (de la langue, de la nourriture, des moyens de transport, etc.) que des détails oniriques coexistent avec des détails réalistes. Certaines images évoquent Ellis Island et le rêve américain, mais l’histoire est volontairement déterritorialisée, parce qu’expérience partagée par tant d’entre nous.

Là où vont nos pères est à ce jour le seul travail de Shaun Tan « traduit » en français – avec un album pour enfants, L’Arbre rouge (La Compagnie créative, 2003), lui aussi récompensé. Des extraits de ces albums et d’autres de ses travaux sont visibles sur son site.

Par Nezdepapier

Extrait :

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Là où vont nos pères
Éditions Dargaud - 128 pages