Le travail graphique de Shaun Tan est saisissant, fascinant, émouvant. Des tableaux d’une ou deux pages alternent avec le récit, scénarisé dans des petits carrés. L’album est faussement monochrome, du jaune au noir en passant par le sépia, au gré des émotions du personnage principal, ou pour traduire l’intrusion de « récits » dans le « récit », le partage d’autres expériences d’émigration.
Bien que muettes, les 128 pages de Là où vont nos pères proposent le récit linéaire et optimiste d’un homme qui émigre, comme d’autres avant lui et d’autres après lui. Shaun Tan détaille (c’est le mot) le voyage, l’enregistrement et le contrôle médical à l’arrivée, la recherche d’un emploi, la solitude, le déracinement, le sentiment d’étrangeté… L’absence de texte est alors tout autant un choix graphique que logique, quand le héros ne parle pas la langue de son pays d’accueil. C’est également pour rendre cette étrangeté au quotidien (de la langue, de la nourriture, des moyens de transport, etc.) que des détails oniriques coexistent avec des détails réalistes. Certaines images évoquent Ellis Island et le rêve américain, mais l’histoire est volontairement déterritorialisée, parce qu’expérience partagée par tant d’entre nous.
Là où vont nos pères est à ce jour le seul travail de Shaun Tan « traduit » en français – avec un album pour enfants, L’Arbre rouge (La Compagnie créative, 2003), lui aussi récompensé. Des extraits de ces albums et d’autres de ses travaux sont visibles sur son site.
Par Nezdepapier
Extrait :
Ne sachant pas si nous sommes en droit de reproduire des planches de BD, nous vous invitons à consulter les liens suivants : ici, ici ou encore là
Éditions Dargaud - 128 pages
Commentaires
samedi 26 avril 2008 à 16h01
Coucou Nezdepapier

Figure toi que mon mari avait un bon d'achat à dépenser dans un "supermarché de la culture" (ces mots associés me font toujours bizarrer). enfin bon, pendant qu'il cherchait l'objet de son désir, j'en ai profiter pour lire la bd que tu nous présentes aujourd'hui. Que c'est beau !! C'est vraiment un très beau travail tant sur le synopsis que sur le graphisme. Merci de cette découverte.
dimanche 27 avril 2008 à 04h49
C'est incroyable qu'il soit possible d'accoler autant de mots à un livre sans mots. C'est pour dire que l'image est forte, elle raconte une histoire en silence. Je commence à me sentir un peu honteuse de ne pas l'avoir lu ... surtout que je l'ai chez moi! Mon chum s'est empressé de l'acheter avant même qu'il gagne le Prix. C'est qu'il a l'oeil, il est lui-même bédéiste. En tout cas, Nezdepapier, vous m'avez donné le goût d'aller lui emprunter. Merci !
dimanche 27 avril 2008 à 04h52
Ah oui, j'oubliais, le lien "son site" ne fonctionne pas. C'est pas grave, je vais le trouver quand même, je voulais juste que vous le sachiez.
dimanche 27 avril 2008 à 09h17
Merci Venise, j'ai corrigé pour le lien
vendredi 4 décembre 2009 à 19h05
Une très belle BD, dont tu as très fait de parler ici, Nezdepapier. Je l'avais noté, et une visite à la médiathèque a fait le reste. Merci d'avoir mis en lumière cet album magnifique graphiquement et scénaristiquement très fort !!!
vendredi 25 juin 2010 à 10h12
bonjour ! C'est en recherchant des liens pour proposer des avis complémentaires au mien sur cet album que j'ai découvert votre blog (très appréciable ^^). Ce n'est pas tant sur le contenu de votre avis que je voudrais réagir (je vous rejoints assez sur l'accueil que j'ai réservé à cet album), mais plus sur la question de la reproduction des planches. Je m'étais renseignée il y a quelques temps sur cette question et j'ai tenté de proposer une synthèse des informations que j'ai obtenues auprès des éditeurs sur le "droit de citation". Si vous avez le temps de me lire : http://www.moruelafee.com/article-p...
Bonne journée