Inspiré d'un fait divers, ce récit se compose comme une tragédie. Chaque partie marque une heure sur l'horloge de cette nuit fatale, et se subdivise en trois chapitres : Chez Narguiss, Chez Leila et Januário, Chez Mena et Dupont.
Narguiss vit à Maputo avec ses filles. En ce soir de mai, elle prépare la fête de l'Aïd et se désespère de l'absence de son mari volage.
Leïla et Januário sont de jeunes mariés; ils vivent avec peu mais leur amour respectif les aide à affronter les difficultés.
Mena quant à elle est très inquiète : son mari, Dupont, a depuis quelque temps un comportement étrange. Et les hommes qu'il a invités ce soir à son domicile n'ont rien d'amènes...

À travers ce récit, soutenu par une tension permanente, Lília Momplé nous raconte son Mozambique : un pays déchiré par le racisme, la corruption et la haine de l'autre. Le racisme ici ne se limite pas à un antagonisme entre noirs et blancs. Il y a aussi les Mauriciens qui voient d'un  mauvais œil les "mulâtres", les Mozambicains qui se méfient des Indiens, et ceux qui rêvent d'aller faire fortune au Portugal, chez l'ancien colonisateur. En pénétrant dans le roman on réalise à quel point les populations sont divisées en castes hiérarchisées. Et puis il y a cette angoisse permanente, cette peur omniprésente : entre 1975 et 1992, le Mozambique est ravagé par la guerre civile, entretenue sciemment par l'apartheid. Lília Momplé, tout en posant avec habileté les éléments de la tragédie à venir, nous dévoile une part sombre de l'histoire africaine.

J'ai réellement apprécié ce roman, tant pour l'histoire elle-même que pour les connaissances qu'il m'a apporté sur ce pays que je méconnaissais jusque-là. En fermant le livre, j'ai immédiatement effectué des recherches pour approfondir le sujet. Une lecture enrichissante et émouvante.

Laurence

Extrait :

Zalíua connut alors la volupté d'ordonner l'arrestation de jeunes et jolies vierges qu'il violait ensuite dans les cellules immondes de la prison; il connut la satisfaction d'emprisonner de riches Indiens qui devaient ensuite acheter leur liberté contre d'onéreux biens d'équipements et de grosses sommes d'argent; il connut la jouissance d'incarcérer des maris de femmes désirables pour que celles-ci payent de leur propre corps la libération de leur époux; il arrêta des trafiquants de cannabis pour s'introduire dans leurs réseaux et partager les bénéfices, et il procéda à l'arrestation de professeurs de lycée pour leur extorquer de fausses notes lors des examens. Il fut également gagné par la volupté de posséder une maison somptueusement décorée de meubles en bois de jambire, des voitures pour conduire à une vitesse suicidaire, de l'alcool coulant comme l'eau dans les orgies de fin de semaine, et des femmes, beaucoup de femmes, et enfin une épouse, la fille distinguée du capitaine du port qui l'accepta par crainte. Et la totale impunité avec laquelle il commandait et décidait de tout l'empêcha ainsi de voir sa perte en la personne du petit homme frêle aux yeux clignants qui lui fit face un jour.

Neighbours
Éditions Les Allusifs - 170 pages