Soit une Laure qu’on finira par renoncer à posséder « aimer était te perdre tu es maintenant toute à moi / épurée », soit aussi une Nora, dont on sera également dépossédé, et une errance qui se peuple somptueusement de mots étranges « osseux comme des noix », toponymes ou patronymes exotiques, signes d’un au-delà du présent.

S’opposent et se nourrissent chez Cartier une sensualité puissante et une égale exigence d’ascèse. Prompt à la blessure amoureuse, comme le chevreuil de Bembo ou de Ronsard « elle est passée et je reste infirme », il pressent les limites de la jouissance charnelle « Et quand / Elle a su de son cœur arracher le poison / Quand il roule en criant sur le côté / Il n’est pas délivré et l’angoisse bientôt / Le presse Car les amants sont pareils aux oiseaux / aux serpents et aux bêtes de la mer / Qui n’ont pas de bras pour s’étreindre ».

Cet amateur du Latin Lucrèce trouve dans une curiosité encyclopédique à la fois un dérivatif au désir et son renouvellement « Je la repousse je m’applique aux livres […] et je / Devine […] le nom de celle que je ne sais même en sommeil / Approcher » À celle-ci, le poète demande de lui « enseign[er] le ciel » et le lecteur reste ébloui de cette quête imaginée, mais chaude de senteurs, de sonorités concrètes et puissamment rythmée.

Du même auteur : Cabinet de société

Par jnf

Extrait :

L’eau franchie pas de retour
Seul sans désir oubliant ton nom
Dans cette île aux lampes éteintes
Les monstres du sommeil à mes genoux
Je laisserai sur toi foisonner le désert
Nous serons délivrés

Le hasard
Éditions Obsidiane - Collection Les Solitudes - 214 pages