C'est un roman absolument époustouflant. Ketil Björnstad déroule sa partition avec talent et retenue. Après la violence du prélude, le premier mouvement laisse le temps au lecteur de s'imprégner du phrasé si particulier de l'auteur. Ketil Björnstad imprime un rythme volontairement lent pour que les émotions et la tension dramatique prennent toute leur puissance : on pressent que le chemin de ces jeunes pianistes est semé d'embûches et de croches en tous genres.
Quand le second mouvement démarre, le rythme s'accélère et le premier drame peut intervenir. Ce second mouvement est assez court, et le lecteur comprend qu'il n'est que l'annonce d'un final bien plus douloureux.
Dans le troisième mouvement, enfin, tous les éléments, mis en place précédemment, trouvent un écho, une solution. On est totalement pris dans la musique de l'auteur, on retient son souffle, on écoute même les silences.

Ce qui pourrait se résumer à un simple roman initiatique de plus dans la production littéraire, prend ici toute son ampleur et sa raison d'être. Ketil Björnstad a parfaitement su allier son propos à la forme. On reste un peu sonné à la sortie de cette histoire, hypnotisé par le charme de cette mélodie infiniment triste et poignante.

Voir aussi les avis de Papillon, Laure et Chimère.

Laurence

Lauréat 2008 du Prix des lecteurs du Livre de Poche.

Extrait :

Je sens des yeux plantés dans mon dos. Les étudiants ne cessent de nous fixer. Quoi de plus normal, me dis-je, face à une fille aussi extraordinairement belle. Mais là n'est pas toute la vérité. Ils nous observent car nous sommes deux originaux. Oui, nous ne sommes pas comme les autres. Nous venons de nous extraire de notre musique, nous nous accordons une pause bien méritée loin de nos piano respectifs. Mais ce sont eux et eux seuls qui vont nous guider dans la vie, et la musique sera notre langage lorsqu'il s'agira de nous comprendre. Je me dis que nous sommes assis là, sur notre banc, semblables aux représentants d'une secte.

La société des jeunes pianistes
Éditions Le Livre de Poche - 443 pages