Cette histoire raconte l'été 1916 d'un jeune garçon de 16 ans, issue d'une bonne famille, insouciant, indifférent au monde qui l'entoure. Mais cette année 1916, année où la Grande guerre fait rage, Vincent de L'Etoile va nous livrer à la première personne les deux rencontres essentielles dans sa vie.
Un jour, il va croiser Marcel Proust, le grand écrivain, le délicat et érudit homme du monde. Une amitié intimiste va naître entre l'adolescent et le célèbre auteur. C'est l'occasion pour Philippe Besson de rendre hommage à Proust, à la délicatesse de son écriture; de nous offrir de superbes pages sur l'écriture, sur l'amitié platonique entre deux hommes.
La nuit suivante, il rencontrera Arthur, le fils de la gouvernante, vingt ans, soldat à Verdun. Durant sa permission, Arthur va trouver le courage d'avouer à Vincent qu'il l'aime depuis toujours. Durant sept nuits, ils vont se reconnaître, s'aimer d'un amour fou, pur, sans contrainte.
C'est aussi l'échange déchirant entre la mère d'Arthur et de Vincent. Moment insoutenable pour eux tant ils sont pris dans leur douleur et leur amour pour le soldat disparu. Car la mort a frappé. Elle a pourtant sublimé l'amour de ces êtres.
Tout cela est écrit dans un style d'une rare élégance, tout en délicatesse, en pudeur. C'est cette écriture si bien maîtrisée, fluide, ce soin apporté par l'auteur à nous décrire les relations humaines quelles qu'elles soient, qui donne sa marque inimitable à Philippe Besson, celle qui fait de lui un grand écrivain.
Avec ce magnifique roman, qui vous touche à la première lecture comme aux suivantes, on sait que ce l'amour veut dire. On ne peut en sortir indemne.
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Du même auteur : Retour parmi les hommes, Se résoudre aux adieux, Son frère, L'arrière saison, Un garçon d'Italie, Les jours fragiles, Un instant d'abandon, Un homme accidentel et La trahison de Thomas Spencer
Dédale
Extrait :
Et voilà que tu débarques dans mon existence, Arthur, sans même prévenir, sans crier gare, avec ton cortège effroyable de cadavres, de bombes, de boue, ton expérience affreuse, inaudible de la douleur, de l'incompréhensible, de l'incommunicable, voilà que tu es là, tout à coup, debout devant moi, dans le costume de tes vingt ans, et que tu me regardes de tes yeux tristes, fatiguées, à peine accusateurs, au point que je préfèrerais qu'ils soient pleinement accusateurs. Voilà que tu dis : prends-moi dans tes bras, qu'au moins, la vie, ça ne soit pas seulement cette angoisse de la mort qui rend fou, cette attente permanente, insupportable de la mort prochaine. Prends-moi dans tes bras, pour que je sois autre chose que ce soldat crotté, cet anonyme des tranchées du nord de la France, cette ombre grise et sale. Prends-moi dans tes bras, pour qu'il y ait le soleil, la chaleur, la douceur, toutes ces choses que nous avons oubliées, que nous avons perdues. Prends-moi dans tes bras, sans réfléchir, corps contre corps, bouche contre bouche, donne-moi ta chair laiteuse à embrasser, à caresser.
Et bien sûr, je te prends dans mes bras.
...
Pourquoi je me suis décidé aujourd'hui à faire l'aveu de cet amour, je ne sais pas l'expliquer vraiment. Peut-être la peur de la mort se fait-elle encore plus grande, la menace plus présente, et alors il faut parler, il faut dire avant de mourir, il ne faut pas mourir avec ce secret-là, ce beau secret. Et puis, c'est trop lourd à porter, trop pour un seul homme, c'est impossible de demeurer avec ça encore. Il faut parler pour ne pas sombrer dans la folie, sans doute.
Tu dis : c'est un geste de vrai désespoir et un geste pour se sauver.
Éditions Pocket – 214 pages
Commentaires
lundi 25 février 2013 à 17h37
Etait il nécessaire de faire un spoiler dans la critique ?