C'est court et tout semble être dit. Non, tout n'est pas dit ! Lucas, le narrateur va raconter sous la forme d'un journal, les affres de la maladie, le décalage entre la vie et contraintes hospitalières, dans sa routine, ses protocoles où le malade n'a pas son mot à dire, ses maux ne lui appartiennent plus dès qu'il passe la porte. Les relations avec l'entourage, l'appréhension de ce même entourage, petite amie, parents qui ne savent quelle attitude tenir face à la maladie d'un des leurs, le rapport que chacun peut avoir avec la mort. Rien n'est épargné au lecteur !
Rien n'est épargné non plus à Lucas qui sert de charnière entre les médecins et le malade, entre ce dernier et l'entourage. La charge est lourde mais pour son frère, il supportera tout.
On alterne de la période de l'hospitalisation à celle où les deux frères se retrouvent dans la maison de l'île de Ré, enveloppés sous le soleil jaune et le ciel bleu, dans les souvenirs d'enfance.
« Son frère », c'est ainsi que Lucas se présente. Il est le frère d'un mourant, le frère d'un garçon que l'on a toujours préféré à lui, l'aîné. Il y aurait pu y avoir rivalité. Mais non, finalement ces deux-là se ressemblent trop pour être en concurrence.
On retrouve encore le style authentique, fragile, sensible, très épuré de l'auteur, pas la moindre trace de pathos, d'impudeur malgré des sujets des plus périlleux que sont la perte d'un être cher et la mort. Et puis cette relation entre les deux frères qui se connaissent au plus intime, qui se comprennent sans qu'il leur soit nécessaire de parler. Ce roman est magnifique; bouleversant.
Philippe Besson est pour moi l'un des auteurs qui sait le mieux parler de l'intime des relations entre deux êtres : deux frères comme ici ou des amants comme dans En l'absence des hommes. L'auteur aux silences si éloquents.
Je ne saurai trop vous recommander également de voir ou revoir l'adaptation de ce roman au cinéma. Patrice Chéreau en a tiré une oeuvre à la hauteur de celle de Philippe Besson. Du grand art !
Lire aussi l'interview exclusive sur ce même site.
Du même auteur : Se résoudre aux adieux, En l'absence des hommes, Retour parmi les hommes, L'arrière saison, Un garçon d'Italie, Les jours fragiles, Un instant d'abandon, Un homme accidentel et La trahison de Thomas Spencer
Dédale
Extrait :
La consigne du silence, des apparences qu'il faut sauver est suivie à la lettre par tous. A Thomas, on ne parle de rien. Avec lui, chacun se comporte comme si tout était absolument normal. Il y a là quelque chose de tout à fait artificiel qui ne trompe sûrement personne mais on se tient à la règle établie avec une rigueur exemplaire. En conséquence de quoi, c'est auprès de moi que chacun vient exprimer son angoisse, sa détresse. Pour la énième fois dans ma vie, je joue le rôle de substitut de Thomas. Et pour la énième fois, je recueille les confidences comme si c'était mon emploi, comme si j'étais d'une constitution différente de celle des autres, comme si s'agissant de moi, on avait décidé une fois pour toutes que je serais celui qui peut tout entendre, tout recevoir, peut-être tout comprendre. Chaque fois, je voudrais m'extraire de cette imposture, dire : « Je ne suis pas celui que vous croyez, je n'ai pas envie de vous écouter, je ne sais rien faire de vos détresses. » Moi aussi, j'aimerais bien qu'on m’écoute, qu'on me fasse cette grâce, considérable il est vrai. Et bien entendu, je ne dis rien de tout cela. Et je les écoute.
Éditions Pocket - 160 pages
Commentaires
lundi 9 juin 2008 à 08h31
Je suis pourtant un admirateur sans borne(s) de Patrice Chéreau, mais son adaptation cinématographique ne m'avait pas des masses emballé/convaincu...
lundi 9 juin 2008 à 10h42
Je ne savais pas que le film de Chéreau était tiré d'un roman de Philippe Besson !
J'avais beaucoup aimé ce film touchant, tendre et émouvant, avec cette histoire terrible entre ces deux frères, et la maladie entre eux. Tu me donnes envie de découvrir ce roman. Merci !
lundi 9 juin 2008 à 20h08
Merci Dédale de ce billet. Je suis comme LVE :je préfère le texte.
jnf
lundi 9 juin 2008 à 21h55
LVE > C'est dommage, en effet. Mais cela peut arriver. Et puis un tel cas au milieu de tous ces autres films... c'est moins grave
En même temps, il ne s'agit que de mon ressenti, absolument subjectif. 
Yohan > Plonge vite dans cette histoire, certes pas des plus amusantes, mais si bouleversantes. Une seule condition : que tu reviennes nous dire ce que tu en as pensé.
Jnf > Moi aussi j'aime beaucoup le texte. J'ai aussi été très contente de cette adaptation. J'avais tellement d'autres mauvais souvenirs de ce genre d'exercice

Mais restons au texte, rien que le texte.... pour y broder notre propre film
Merci à vous pour vos commentaires.
jeudi 12 juin 2008 à 11h24
C'est un de mes livres préférés ! J'avais été extrêmement touchée, et l'écriture de Besson est magnifique
Je n'ai pas vu le film, mais j'ai bien envie !