Un soir, Charlie fait la connaissance de Boris, clown déjà connu et reconnu par le milieu. Ce dernier propose à Charlie de former un quatuor avec deux autres jeunes artistes. Saisissant la chance qui lui est offerte, il monte à Paris avec Nora pour concrétiser son rêve. Mais en sortant de sa bulle protectrice, le couple se fissure et Nora se sent rapidement de trop.

En lisant le résumé au dos du livre, je m'attendais à un roman sur la thématique du couple, sur la difficulté de s'aimer au milieu des autres, sur la liberté. On nous annonce "un portrait de femme émouvant, tragique, et quelque part, universel". Sauf qu'il n'y a rien d'universel dans l'histoire de Nora et qu'il ne s'agit absolument pas d'un roman sur la difficulté d'aimer, mais d'un roman sur la folie et ses dégâts.

Nora est une jeune femme fragile, physiquement et mentalement. Suite à un accident de la route, elle a perdu sa hanche et une grande partie de son équilibre : infantile, possessive, paranoïaque, capricieuse, ses réactions tout au long du récit sont totalement inappropriées. Gudule a choisi de placer sa caméra aux côtés de son héroïne, parfois même à travers les yeux de celle-ci. Privé du regard extérieur, le lecteur a parfois l'impression d'être otage de cette jeune femme au bord de la folie.
Se sentant exclue du nouveau groupe que forment Charlie et ses comparses, Nora fuit dans Paris, sans but ni destination. Le roman raconte ses errements, ses rencontres avec les délaissés et ses angoisses sur le futur. Certains passages sont assez déconcertants : sans crier gare, Gudule change de registre et certains épisodes flirtent avec le tragi-comique, sans que l'on en comprenne très bien la raison.
Quant à la fin, elle m'a laissée disons... perplexe ?... Même si je comprends la métaphore, celle-ci tombe malgré tout comme un cheveu sur la soupe et est à la limite du grotesque. Là encore, le registre proposé tout au long de la narration est en contradiction avec une fin qui aurait pu trouver sa place dans un récit fantastique.

Quant au titre, ne cherchez pas d'explications, c'est tout simplement une phrase tirée du roman. D'ailleurs, ce récit portait un autre titre lors de sa première publication, il y a 17 ans maintenant, puisqu'il s'agit de la réédition d'Amazonie du Seine, publiée à l'époque chez Denoël.

Lire aussi l'avis de Lucas qui est beaucoup plus enthousiaste que moi.

Laurence

Extrait :

Le lendemain soir :
-Tiens ? s'étonne Boris. Tu es venue aussi ?
Courant d'air glacé dans les veines de Nora. Pourquoi ? J'étais pas invitée ?
- Charlie et moi, c'est comme les chaussettes, on marche toujours par paire ! Persifle-t-elle, sur la défensive.
La vanne ne déride pas Boris. Mieux : il l'ignore. La balaie d'un revers de la main.
- Nous avons à travailler, précise-t-il sèchement.
Le message est clair : barre-toi ma belle, tu nous déranges. Nora perd contenance. Elle s'est mise sur son trente-et-un, rimmel, blush, rouge à lèvres, plus une broche héritée de sa grand-mère et qu'elle ne sort que dans les grandes occasions, agrafée au revers du blouson. Il pourrait en tenir compte, ce sagouin !
- Mais... hasarde-t-elle, à court d'arguments.
- Enfin, puisque tu es là, entre quand même... soupire Boris.
Charlie, étranger au drame qui se joue sur le paillasson, les a précédés dans l'appartement. Il salue déjà les autres convives. Des "Bonsoir" "Ravi de te connaître" " J'ai beaucoup aimé ton dernier spectacle" s'échangent en sourdine.
Un haut-le-corps soulève Nora.
- Non, non, s'entend-elle protester. En fait, j'étais juste venue conduire Charlie. Je... j'ai rencard avec des amis.
Les mains en porte-voix:
- Chéri, je me sauve !
- De quoi ? sursaute Charlie.
- Anne m'attend, j'y vais!
Charlie, ahuri s'arrache aux mains tendues, se rue sur le palier. Mais elle est déjà à l'étage en dessous.


Éditions [MiC_MaC] - 217 pages