A eux seuls Les Monologues du vagin valent le détour. C'est vraiment quelque chose qui vous retourne profondément. Alors c'est avec une grande curiosité que je me suis plongée dans l'ouvrage de Moïra Sauvage dès le jour de sa sortie. Je n'ai pas pu attendre et je m'y suis plongée en rentrant à la maison. Mais j'ai dû arrêter. J'ai vite pris conscience que je devais le lire à la maison. Là où les émotions pouvaient aller librement. Il est des sujets profonds, primordiaux que l'on ne peut pas lire comme un roman de gare.
Les aventures de ce fabuleux vagin est le récit de cette surprenante pièce. Moïra Sauvage nous entraîne, de fort belle et intelligente manière, visiter les coulisses de cette pièce, de ce mouvement extraordinaire.
On y apprend la genèse du texte. On fait plus connaissance avec Eve Ensler, une femme solaire, à la personnalité bien marquée, engagée dans la lutte contre toutes les violences faites aux femmes. On découvre comment de fil en aiguille, de rencontres en témoignages, l'action d'Eve Ensler s'est transformée en un mouvement mondial pour lutter contre les violences domestiques, les viols, les excisions, les crimes d'honneurs. Nous sommes au XXIème siècle, me direz-vous !! Tout cela n'existe plus !!! Que nenni !! Cela existe toujours. Ces actes barbares sont même de plus en plus nombreux, y compris dans nos sociétés bien policées
Pour avoir voyagé de par le monde, eu accès aux archives du mouvement et rencontrer Eve Ensler, les femmes célèbres ou anonymes, d'Afrique, d'Indonésie de Bosnie ou d'ailleurs, Moïra Sauvage sait de quoi elle parle. Il ne s'agit pas d'un ouvrage de plus sur la question rédigé par une féministe nostalgique, mais bien celui d'une journaliste, qui a aussi été pendant six ans responsable de la Commission Femmes d'Amnesty International.
C'est étayé, clair, précis, dans un langage simple et pas la moindre trace de langue de bois ou de sentimentalisme. Les émotions parlent d'elles-mêmes, viennent des faits, des témoignages rapportés, des documents consultés. L'auteur n'oublie pas non plus de pointer les faiblesses du mouvement, de rapporter les critiques faites à l'encontre d'Eve Ensler et de son mouvement, de remarquer aussi la faible présence des hommes dans cette aventure. Bref, on entend toutes les parties. Le tableau est complet, lucide et extrêmement instructif.
On pourrait croire que l'on va lire une énième étude sur le sujet mais il n'en est rien. C'est un ouvrage instructif, amusant aussi car l'humour n'en est pas moins absent. Mais surtout c'est un ouvrage profondément bouleversant et humain.
Alors, j'adresse un grand merci à Moira Sauvage pour cet ouvrage.
Du même auteur : Guerrières ! A la rencontre du sexe fort.
Dédale
Je tiens d'abord à souligner le travail colossal de documentation qu'a effectué Moïra Sauvage pour cet ouvrage. Partie à la rencontre des actrices (à tous les sens du terme) du V-Day, elle a collecté pour nous les témoignages de celles qui chaque jour rendent cette aventure possible. Moïra Sauvage a fait le tour du monde avec pour fil conducteur une simple pièce de théâtre créée en 1996 à New-York. Simple pièce de théâtre? Est-ce si simple...
En osant parler de la sexualité féminine et de la violence faite aux femmes à travers le média de l'art, Eve Ensler a réussi un véritable tour de force : foin de long discours soporifique et théorique, mais une parole libérée, drôle et émouvante qui touche directement le public concerné. Et puis, le théâtre est un médium universel qui ne connaît pas de frontière. Cela explique sûrement que cette pièce puisse bouleverser aussi bien les Américaines que les Haïtiennes ou les Syriennes. Mais Dédale vous a déjà dit beaucoup là-dessus et je ne vais donc pas faire de redites. Je voudrai simplement souligner le mode de fonctionnement de ce mouvement, qui me paraît pertinent malgré ses limites (que Moïra Sauvage détaille d'ailleurs au sein de son ouvrage) : plutôt que de garder la main mise sur les aides apportées aux femmes, V-Day a décidé de subventionner des associations pré-existantes, déjà implantées sur le terrain et plus à même d'entendre les spécificités de chaque culture. Agir donc, mais tout en respectant les traditions et les modes de vie de chacun.
Quoique la pièce traite à mon sens aussi bien de la violence faite aux femmes que de la sexualité assumée, le mouvement V-day s'est lui exclusivement centré sur le premier de ces deux thèmes. De fait, les témoignages et actions dont rend compte Moïra Sauvage tournent eux-aussi autour de cette préoccupation première. Cela est bien normal quand on sait encore tout le travail qu'il reste à faire, mais j'aurais peut-être aimé plus qu'une ligne ou deux sur le second thème de la pièce, qui me semble certes moins visible et cruel, mais tout aussi insidieux.
Tout au long de ma lecture, je me suis aperçue aussi à quel point Eve Ensler était adulée et respectée à travers les continents. Je me demandais donc si au milieu de tous ces témoignages dithyrambiques il n'y avait pas quelques voix dissonantes. Moïra Sauvage, à la fin de l'ouvrage consacre un chapitre sur les critiques que soulève ce mouvement. Mais là encore, je me suis rendue compte qu'elles étaient peu nombreuses, voire excusées ou justifiées. Est-ce à dire que Eve Ensler fait l'unanimité? Si c'est le cas, c'est un tour de force remarquable, car rare furent les mouvements féminins qui réussirent cet exploit.
Quoiqu'il en soit, le documentaire de Moïra Sauvage est très intéressant, sa parole didactique, son style fluide. Un ouvrage à conseiller donc à tout ceux qui veulent mieux comprendre comment ce mouvement à changé la vie de nombreuses femmes à travers le monde.
Laurence
le 13 août 2008
Extrait :
Enfin, la dernière raison de ce succès, c'est indéniablement le rire. Un rire jamais vulgaire, un rire qui fait du bien, comme lorsque les barrières sont levées, et qu'on se rend compte que, contrairement à ce qu'on redoutait, rien ne s'est passé. Oui, on peut parler de son intimité, on peut raconter ce qui fait mal, et on peut le faire avec joie, pour aller mieux. En cela la pièce n'est pas très éloignée des techniques thérapeutiques utilisées dans les groupes de femmes depuis les années soixante-dis : se connaître mieux, connaître son corps permet d'aller mieux, de mieux vivre sa sexualité. Quant à la violence, il est toujours bon de parler de ce qu'on a vécu, de dialoguer, de comprendre qu'on n'est pas isolée. On s'identifie à la parole des autres, ce qui permet d'aller de l'avant. Les Monologues du vagin seraient-ils les Alcooliques anonymes du théâtre ?
Pourtant Les Monologues, s'ils sont joués par des femmes et racontent des « histoires de femmes », s'adressent aussi aux hommes, partenaires de la sexualité féminine. Dans les salles où Les Monologues sont joués, l'assistance est généralement mixte, les hommes n'hésitant pas à venir écouter ce qu'ils imaginent peut être un spectacle grivois. Combien d'entre eux en sont ressortis touchés, si ce n'est bouleversés ? S'ils restent dans l'ensemble plus réservés, la plupart d'entre eux avouent avoir également découvert un territoire inconnu dont ils n'avaient pas idée auparavant, un monde nouveau.
Éditions Calmann Lévy - 224 pages
Commentaires
dimanche 6 juillet 2008 à 11h34
Dédale : Pas encore lu, mais dans mon sac de lectures estivales. Je reviendrais donc compléter bientôt ce billet, si tu le permets.
dimanche 6 juillet 2008 à 11h55
"Si tu le permets" !! Pfff. N'importe quoi !!
dimanche 6 juillet 2008 à 12h13
lundi 7 juillet 2008 à 21h56
Merci pour ce billet, Dédale ! Il rappelle opportunément, entre autres, que les violences faites aux femmes concernent au premier chef les garçons, comme autant de crimes contre l'humanité.
jnf
lundi 7 juillet 2008 à 22h02
Exact, Jnf. Et je veux croire qu'une bonne éducation - des garçons et des filles aussi - sur la question pourrait changer beaucoup de choses. Pour l'heure, nous en sommes encore loin. Les constats sont plus qu'alarmants (cf rapports d'Amnesty International ou ONU).