Ce texte est poignant, fulgurant, subtile, émouvant...
Eve Ensler a réussi ici un véritable exploit : en parlant de l'intimité féminine, en mettant des mots sur les tabous, en donnant la parole à celles que l'on entend jamais, elle dresse une cartographie de la femme à travers les lieux et les époques et nous parle d'oppression, de liberté, d'amour, de sexe, de guerre, de mutilation, d'enfantement...
Il n'est pas question ici du simple organe mais de ce qui fait la femme, de ce qu'elle subit et de ce qu'elle transcende. Chaque tableau fait écho au précédent; à travers ces mille et un portraits, parfois drôles, souvent bouleversants, c'est l'image d'une femme fière et réconciliée avec elle même qui apparaît.
Et pourtant, le mot « vagin » m'a paru terriblement réducteur, physiquement parlant. Ces monologues n'évoquent pas seulement du « canal de la mise au monde chez les mammifères. C'est un tractus tubulaire qui relie l'utérus à l'extérieur du corps » (source : wikipédia), mais du sexe féminin dans sa globalité : les lèvres, petites et grandes, les poils, le clitoris... Si ce choix sémantique est réducteur, c'est qu'il n'existe en fait aucun mot pour désigner l'ensemble. Le sexe féminin, divisé, catégorisé. La nuance vous paraît peut-être anecdotique, mais quand on sait que l'excision est toujours pratiquée dans de trop nombreux pays ou que certaines femmes ignorent l'existence même de leur clitoris, on se rend compte que le chemin à parcourir est encore long.
Je n'ai rien « appris » en lisant ces témoignages (ce n'est d'ailleurs pas le propos), mais j'ai reconnu des situations; des femmes croisées ça et là; des destins tragiques ou heureux. J'ai souri souvent, rit parfois, frémi quand l'horreur envahissait les pages. Il est très difficile d'expliquer pourquoi ce texte nous bouleverse tant sans être impudique car les mots font forcément écho à notre vécu. Mais il est certain que ce texte magnifique doit être lu que l'on soit femme ou homme, pour mieux se comprendre, ou mieux comprendre l'autre.
Laurence
Comme je le disais en introduction de ma chronique sur Les aventures de ce fabuleux vagin de Moïra Sauvage, à eux seuls Les Monologues du vagin valent le détour.
A ce jour, je n'ai toujours pas vu la pièce au théâtre, mais j'ai lu le texte d'Eve Ensler avec beaucoup de curiosité. Je me suis vraiment demandée ce que pouvait bien cacher ce titre, pourquoi on en parlait autant. Parce que franchement, quelle étrange idée de vouloir parler au théâtre d'un des sujets les plus tabous partout dans le monde, dans toutes les sociétés : le vagin des femmes ?
Le livre terminé. J'ai eu toutes les réponses à mes questions. C'est vraiment quelque chose qui vous retourne profondément. Il est impossible de ne pas être touché par ces histoires. Certaines sont drôles (Mon vagin est en colère), d'autres si bouleversantes qu'il vous fait poser le livre et faire une pause (Mon vagin, mon village).
Ce que j'ai beaucoup apprécié, c'est qu'Eve Ensler intercale entre ces monologues des informations que vous ne pouvez connaître ou lire que si vous faites des recherches sur la question. Ce sont les « réalités du vagin ». Il faut bien avouer que c'est un sujet dont on ne parle jamais dans nos médias habituels. Tabou, vous avez dit, tabou !!
Ce qui est aussi appréciable, c'est que malgré le sujet, le texte n'est jamais vulgaire. Le style d'Eve Ensler est sobre, clair, juste. Elle laisse les mots, les situations parler d'eux-mêmes. C'est ce qui en fait une lecture précieuse.
Bref, vous l'aurez compris, c'est une lecture qu'à mon sens il ne faut pas rater. Et si l'occasion se présente, courrez voir la pièce sur scène !
Dédale
le 13 août 2008
Extrait :
« Si votre vagin pouvait parler, en deux mots, qu'est-ce qu'il dirait? »
Doucement.
C'est toi?
J'ai faim.
À table.
Je veux.
Miam miam.
Oh, ouiii.
Recommence.
Non, par là.
Lèche-moi.
Reste à la maison.
Bon choix.
Essaye encore.
Encore, s'il te plaît.
Prends-moi dans tes bras.
Jouons.
N'arrête pas.
Encore, encore.
Tu te souviens de moi?
Viens, rentre.
Pas encore.
Waouh, maman.
Oui, oui.
Câline-moi.
Entrez à vos risques et périls.
Oh, mon Dieu.
Merci mon Dieu.
Je suis là.
Allons-y.
Trouve moi.
Merci.
Bonjour.
Trop dur.
N'abandonne pas.
Tom! Où est Brian?
C'est mieux.
Oui, là. Là. Comme ça.
Éditions Denoël - 134 pages
Commentaires
jeudi 24 juillet 2008 à 12h20
Quoi, aucun commentaire sur ce billet ? Je ne vais pas écrire pour dire grand chose, puisque je n'ai pas lu cette pièce. Pour mon anniversaire on m'a offert d'aller au théâtre, et cette pièce se jouait justement à ce moment-là. Mais en faisant mon choix avec mes parents, ils se sont immédiatement récriés, pensant que cela me choquerait (j'ai 17 ans), et je n'ai pas pu les convaincre... Je vais vraiment devoir m'inscrire à une bibliothèque l'année prochaine ! Je reviendrai donner mon avis sur Les monologues du vagin dès que je les aurai lus.
jeudi 24 juillet 2008 à 21h44
Eh oui !! Aucun commentaire... jusqu'au tien, Nyra. Merci pour cette visite.
On compte sur toi pour nous dire ce que tu en as pensé, en lecture et sur scène. A bientôt.
C'est bien dommage d'avoir raté l'occasion de voir la pièce au théatre. L'an prochain peut être