La maison est donc au centre de ce récit et chaque chapitre est consacré à une des pièces de la maison :  la chambre d'Arthur, la salle à manger, l'escalier etc...
L'évocation de la toponymie des lieu est l'occasion de raconter les anecdotes de son enfances, les personnes qu'il a pu y croiser, les silences dévastateurs.

Si l'on se fie à la définition de « littérature » (Usage esthétique du langage écrit), le roman de Jean-Baptiste Harang est sans conteste le plus abouti des trois ouvrages proposés ce mois-ci puisque ni Sous le ciel de marbre, ni Elle s'appelait Sarah, ne me semblent répondre à ce critère (dans les deux romans pré-cités, l'histoire, et non l'esthétique, est au centre de chacune des entreprises).
J'aurais donc dû être heureuse, puisque je déplore, depuis le début de ce prix, que les romans sélectionnés ne fassent pas état d'une réelle entreprise littéraire. Mais voilà, je suis restée sourde à la musique de l'auteur.

J'ai cherché à comprendre pourquoi ce récit m'a laissée si indifférente. En fait, Jean-Baptiste Harang  s'amuse à brouiller les repères du lecteur : ses phrases, longues, usant de virgules et de relatives, associant des propositions a priori éloignées, obligent le lecteur à s'accrocher à chacun des mots s'il ne veut pas perdre le sens de la phrase. J'avais l'impression d'écouter un morceau de free-jazz : impossible pour moi de distinguer le thème principal des improvisations. J'avais une impression tenace de dissonances, je me heurtais à chaque phrase sans réussir à comprendre le sens global de l'œuvre.
Si j'ai fait un parallèle avec le free-jazz, c'est que je sais que mon incapacité à apprécier cette musique est due à mes prédispositions et non à la qualité de ces œuvres. Il me semble donc que c'est le même phénomène que j'ai retrouvé dans le roman de Jean-Baptiste Harang : je n'ai pas aimé ce roman, non pas parce qu'il est mauvais, mais parce que je suis insensible à ce type de phrasé.

Voir aussi l'avis de Laure.

Laurence

Extrait :

Mon père offrit cette maison à ses parents dans les années où une seconde guerre mondiale se préparait à faire mieux que la première, il avait hésité entre deux, l'autre, plus près du centre du bourg, lui parut trop prétentieuse, il la regretta. Il avait choisi Dun-le-Pastel (qui s'appelait encore Dun-le-Palleteau) pour la proximité de Sagnat où il était né, où sa mère fut fille de ferme, et par deux fois fille mère. Où il est enterré. L'étage ne comportait alors que deux pièces et fut bien vite agrandi afin d'y accueillir des locataires. Plus tard, après que mon grand-père eut repris la gare de Dun, la maison retrouva son unité. Dans les années soixante et dix, nous entreprîmes, ma sœur, mon jeune frère et moi, de repeindre le rez-de-chaussée. En fouillant dans le vieux secrétaire du bureau, avant de le couvrir d'un drap pour le protéger des coulures, nous avons mis la mains sur le livret militaire de mon grand-père et découvert un secret. Nous avons remis le livret dans le secrétaire, et lorsqu'on le referma je vis dans mes yeux sans larmes une armoire normande, de chêne sombre, aux ferrures de laiton, et l'ombre d'un homme en reflet, les bras chargés d'un autre homme plus âgés, maigre et long, sans poids, dépendu de frais, étrangers l'un à l'autre, enlacés de hasard et d'humanité.


Éditions Le Livre de Poche - 152 pages