Dans l’attente des nouvelles de Babacar, des affres de sa situation cachée à ses parents, sans personne à qui se confier et partager ses tourments, Soukeyna guette les lettres de Paris. Un jour, un pli lui apprend que Babacar est tombé amoureux d’Hélène et qu’il s’est marié et qu’il sera bientôt père. L’enfer souffre devant Soukeyna, si brutalement trahie.
Que dire de ce premier roman ? C’est assez difficile à exprimer. Le sujet principal est de présenter la situation des jeunes filles, des femmes en Afrique et plus particulièrement celles du Sénégal. Ces femmes soumises aux règles de la tradition, d’une société où elles ont l’obligation de rester vierges pour leur mariage, pour l’honneur de leur famille – et accessoirement le leur. On ne s’étend même pas sur l’horreur de l’excision toujours pratiquée, mais c’est dans le même panier. Nous sommes d’accord. Ces femmes ne sont rien, ne peuvent décider de rien ou si peu de leur vie, de leur mariage, de la façon dont elles souhaitent vivre leur sexualité dans une société machiste, sous la domination des hommes. Ces femmes sont continuellement sous pression, victimes de l’hypocrisie de cette société et des hommes qui interdisent d’un côté, mais qui ne font rien pour réfréner leur libido. Ils veulent le beurre et l’argent du beurre. Toujours les femmes paieront le prix fort du déshonneur, de la honte, les hommes ne seront jamais inquiétés.
Si tels sont le message et la colère que veut exprimer l’auteur, tout est bien passé et même bien partagé.
A l’occasion du départ de Babacar pour Paris, on peut comprendre aussi l’intérêt de l’auteur pour tous ces Sénégalais qui partent en Europe pour trouver un travail, une situation économique plus intéressante que dans leur pays. On sait combien les rêves d’une vie meilleure sont loin de coller à la réalité qu’ils vivent une fois sur place. La question de l’immigration est un sujet intéressant, qui peut être bien mené. L’auteur prépare notamment une thèse sur le sujet. On aurait aimé plus de développement sur cette question, peut être dans un autre ouvrage.
Et puis il y a tout le reste. Ce texte aurait été intéressant si la forme avait suivi. On peut déplorer ces longueurs qui font que l’on a envie de passer des lignes. On n’arrive pas à savoir si on lit un roman ou bien une introduction à un essai sur les droits des femmes au Sénégal et sur l’immigration, les deux sujets mélangés. Comment accrocher à ces citations parsemant le texte ? Cela a donne l’impression de lire une dissertation. Quelles étaient les intentions de l’auteur ? Pourquoi ces digressions semées un peu partout ? Pour exemples, pourquoi parler de la canicule de 2003 qui a sévit en France quand Babacar dit au revoir à sa famille à l’aéroport ? Quel est le rapport avec le Président Bush et la guerre d’Irak avec l’histoire de Soukeyna ? On cherche le lien. On ne le trouve pas.
Cette histoire aurait pu être intéressante, poignante. Dommage, dommage qu’elle ne soit pas soutenue par plus de rigueur dans le développement des idées et de l’écriture. Le ressenti semble sévère. Peut être aussi que cette lecture ne s’est pas fait au bon moment.
Dédale
Extrait :
Bien que je sois à l’Université, mes parents ne voulaient pas que j’habite la cité Claudel, le pavillon des étudiantes, au niveau de la corniche ouest. Je résidais à cinq minutes de la faculté, ce qui facilitait les déplacements. Le plus souvent, c’était mon père qui me déposait, avant de rejoindre son entreprise. Avoir une chambre à la faculté avait été un sujet de conversation conflictuel, lors de ma première inscription. Voulant sortir du cocon familial, je pensais convaincre mes parents, mais ils demeurèrent inflexibles. Je ne devais quitter la maison familiale sous aucun prétexte.
- Tu ne peux pas vivre toute seule, ma fille.
- Papa, je veux juste avoir ma chambre, la plupart de mes amies en ont une.
- Tu n’es pas comme elles.
- Je ne vois pas trop la différence.
- Tu ne quitteras cette maison, que si tu te maries. Mon devoir, c’est de te protéger.
- De me protéger de quoi ? Je suis grande, maintenant, je ne suis plus la petite fille de trois ans.
- Tu ne seras grande, que quand tu te marieras.
La conversation s’arrêta là. J’avais compris que mon père était déterminé. La phrase « Mon devoir, c’est de te protéger » laissait entendre beaucoup de choses, des non-dits. J’avais compris qu’il ne me laisserait jamais m’échapper de la maison. J’appréhendais déjà ce que serait ma vie quelques années, plus tard. Je ne pouvais donner des réponses exactes à tous ces questionnements. Ce dont j’étais sûre, c’était que je serais toujours, sous les ordres d’un homme : après mon père, ce serait Babacar. Pourquoi, est-ce toujours les hommes qui décident de tout ? J’en avais marre de cette domination masculine ; de cette société où l’homme était toujours « le maître » ; marre que la femme soit reléguée au second plan, placée loin des arènes et des prises de décisions ; qu’elle n’ait droit qu’à une seule position : l’horizontale. Mes cris de colère ne changeaient pas grand chose et ne changeraient jamais rien, je devais accepter la réalité et m’y plier. Et c’était la seule solution pour moi, afin de survivre dans cette atmosphère de mâle à mâle.
Les Ecrits du Nord – Editions Henry – 126 pages
Commentaires
dimanche 7 septembre 2008 à 10h28
Bonjour à tous,
Avant tout merci pour tout surtout de me permettre de m'exprimer sur un sujet qui m'interpelle.
Je pense que les commentaires sur ce livre sont limites. J'ose croire que la lecture a été faite par une personne qui ne connaît pas le continent africain et ses histoires sociales. J'ai lu ce livre et je l'ai fait passer autour de moi car l'histoire décrit une réalité frappante. Elle met en parallèle deux mondes qui n'ont aucune chance de se rencontrer, la société sénégalaise et celle française. Je me suis retrouvé dans l'histoire et j'ai trouvé du plaisir à le lire et je le conseille fortement aux lecteurs. Ce que vous appelez digressions est montré dans le livre plutôt sous forme d’explication.
Le premier point, sur le départ de Babacar, il part et promet de revenir, vous dites qu’il n’a pas de problème ! Bien sure que si car la promesse ne va pas être tenue. Il ne reviendra pas ! Et pourtant, elle lui a donné on corps à cause de cette promesse. N’ayant pas vécu dans une société où la virginité reste surveillée, vous pensez il n’y a pas de problème !!! Allez raconter ça à certains pays !!!
Deuxième point, le fait qu’elle parle de canule est une façon d’expliquer la différence de culture et d’habitude qui peut exister entre les deux sociétés, que vous aviez peut être omis de détailler dans vos critiques. Elle a parlé de la notion de mort juste avant ce passage, du fait que les français feront faire des diagnostiques suite à un mort (exemple des morts suite à la canule) et que les sénégalais s’en remettront à Dieu. Cet aspect est très important dans l’avancée de l’histoire même si comme vous l’avez notifier, le sujet principale est la condition des femmes dans la société sénégalaise. Etant une sénégalais vivant en Europe, je peux vous dire que la première fois que j’ai lu ce livre, je me sentais revivre du fait que je lisais un roman écrit par une compatriote et qui parlait de chose réelles qui nous transmettent nos odeurs familiers, notre culture et notre façon d’être. Pour résumé « Le pagne léger » est un roman à recommandé.
dimanche 7 septembre 2008 à 13h11
Bonjour Sartro,
Tout d'abord merci pour votre visite et ce long commentaire laissé ici.
Ayant lu cet ouvrage, je vais pouvoir vous répondre.
Premièrement, si vous avez trouvé les « critiques limites » comme vous le dites, c'est bien dommage... Il ne s'agit là que de mes impressions de lecture, de mon ressenti face à une histoire et une façon de la raconter. Tout ceci est donc forcément subjectif. Si elles vous ont mises mal à l'aise, vous m'en voyez désolée. Mais elles valent pour ce qu'elles sont.
Ensuite, il se trouve que je connais aussi le continent africain, ses histoires sociales sans pour autant y être native. Si je suis votre raisonnement, il faudrait connaître dans le détail les modes de vie et de pensée des pays racontés dans les romans pour pouvoir en apprécier toute la mesure. Si tel était le cas, comme vous le sous-entendez, cela limiterait bien des découvertes d'autres sociétés, cultures, les possibilités d'ouvrir son esprit. Dommage de rater ainsi de si belles occasions !
Au sujet du départ de Babacar et sa promesse de retour, vous faites référence au chapeau du billet qui annonce le début de l'histoire. Peut être manque-t-il effectivement à cette phrase un point d'interrogation pour montrer combien le lecteur ne peut y croire, qu'il n'est pas dupe. Je pensais que la forme implicite suffisait à montrer l'ironie de la formule. Quoiqu'il en soit, il me semble que dans les lignes qui suivent j'explique les conséquences désastreuses que cela peut avoir pour Soukeyna. Votre attaque est donc non seulement injustifiée mais aussi intolérable, car vous me prêtez des intentions que je n'ai jamais eues, bien au contraire.
Sur le second point que vous soulever, le fait que l'auteur nous parle des conséquences de la canicule, nos différentes appréciations montrent combien les propos d'un auteur peuvent être interprétés de moult façons par les lecteurs, en fonction de leur histoire personnelle, leur culture, et le moment même où cette lecture est effectuée. Rien n'est jamais gravé dans le marbre ! Peut être qu'une seconde lecture de ce roman révélera d'autres idées soutenues par l'auteur. Qui sait ?
Et c'est cela qui fait la richesse de la littérature, de la lecture.
J'espère avoir répondu à vos interrogations. N'hésitez pas à revenir commenter d'autres romans présentés sur ce site.
mercredi 10 septembre 2008 à 22h11
Bonjour,
Le livre retrace toutes le failles de la société africaine et nottamment la société sénégalaise. Le comportement de nos dirigeants, des hommes, la tradition et les conditions de la femme ont tous été dénoncés. Derrière cette dénonciation doit paraître une prise de conscience car la vie de la femme sénégalaise est loin de ressembler à celle de la femme européenne. C'est elle qui subit toute la tradition avec dans certaines ethnies les mutilations appelées circonsions qu'elles subissent dès leur enfance. Lire ce livre permet de savoir ce qui ne se dit pas souvent et de connaître aussi la souffrance d'une femme qui est trahie par l'homme qu'elle aimait et qui est même allée jusqu'à défier les interdits pour lui prouver son amour et qui l'attendait malgré la distance.
mercredi 14 janvier 2009 à 17h52
Le pagne léger est un livre fort de par le message qu'il fait passer à savoir qu'une femme n'est pas un objet mais que l'on doit la respecter mais aussi que la femme a son mot à dire dans les affaires qui font la société. Elle ne doit pas être reléguée au second plan, elle doit être actrice. Le pagne léger et lourde de significtaions et de vérités qui blessent parfois mais qui est dit. Les non-dits sont dits dans la pagne léger. LISEZ-LE
vendredi 16 janvier 2009 à 23h23
Alors que dire du Pagne léger. En commençant ma lecture, je me dis : encore une histoire banale ! Tout en avançant, j'ai découvert un livre plein de sens, une histoire poignant. Il parait que c'est le premier livre de l'auteur. Elle promet. J'ai même envi de la rencontrer pour lui dire combien cette histoire m' a touché. Comme Pat, je vous conseille formellement ce livre; Il faut l'acheter, c'est un livre de chevet!
mardi 20 janvier 2009 à 15h17
Ce livre est émouvant 'histoire bouleversante. L'auteur est attachante on a envi de lui venir au secours! Il paraît que c'est son premier livre, j'attends vivement le prochain. Recommandez-le. Plusieurs bons articles ont été rédigés sur ce livre.