D'une nouvelle à l'autre, on croise celle qui est folle d'un homme marié et qui se prendra un râteau salé. On croise celle qui a rencontré l'homme idéal en roulant sur l'autoroute à 120km/h mais quand acceptera-t-il de lui faire des bébés? On croise celle qui vient de se faire larguer par son mec qui a eu une aventure avec Marie-Jolie. Surtout des femmes, jeunes. Qu'on devine tout aussi paumées qu'elles peuvent être belles. Elles sont parfois enragées, parfois vraiment très fatiguées. Et elles ont des chats: parce que le titre se tient, il y a là un peu partout des chats. Deux histoires se distinguent par leurs personnages: l'une raconte la fugue de deux adolescents et deux nouvelles racontent la relation de deux frères dont l'un est psychotique.

Quand j'ai commencé à lire ce bouquin, je n'étais pas du tout dans l'état d'esprit pour me faire raconter des histoires d'amour déprimantes, pour entendre parler de ma génération qui ne sait pas s'attacher et pour qu'on déprime tous en coeur. Pour les Québécois, j'ai vraiment eu l'impression de me taper Horloge biologique version femelle. Non, merci! Et puis, soudain... Est-ce mon humeur ou la teneur des nouvelles, mais à partir de la page 80 (Bobby Bibbo se fait kidnapper) j'ai embarqué, quitte à jetter un regard moins drastique sur les premières nouvelles que j'avais lu. Je m'avoue un coup de coeur pour cette nouvelle ainsi que les deux nouvelles abordant les frères dont l'un (un, vraiment?) est psychotique (Garçon en mauvais état et Y'a pas d'espoir pour les bizarres). Ce n'est probablement pas un hasard que les nouvelles m'ayant plue davantage sont celles qui ne portent pas sur les dérapes amoureuses et les doutes des filles de mon âge. On dira ce qu'on voudra, il arrive un jour où t'es tanné de t'entendre et là j'avais l'impression de m'écouter.

C'est bien écrit quoi qu'un peu pragmatique pour mes goûts. Certaines nouvelles ont un ton plus typé (utilisation de l'infinitif à répétition) qui marque bien la lassitude... quitte parfois à me lasser. Pour ce qui est des chats, ils sont bien là. Parfois j'ai eu l'impression qu'ils étaient plaqués un peu (bon vous savez comme je suis frétillante sur les détails insignifiants!). Mais le titre est tellement génial que ça valait quelques chats accessoires.
 

Par Catherine

La Recrue du mois est une initiative collective qui met en vedette le premier ouvrage d’un auteur québécois. Pour lire les autres commentaires sur ce livre vous pouvez donc vous rendre sur le site de La recrue du mois

Extrait - Garçon en mauvais état :

Tu as commencé par croire que le gouvernement te traquait. Ensuite, tu as pensé que le bottin téléphonique était la liste des gens recherchés par la police. Tu as paniqué en y retrouvant ton nom ainsi que celui de presque tous ceux que tu connaissais. Tu t'es mis à dire que tu étais le fils illégitime de Marie-Denise Pelletier, et que cette dernière t'avais mis en adoption à la naissance. Tu écoutais son album de Noël sur repeat, les yeux en symbiose avec les fissures du plafond, couché sur le linoléum défraîchi de ton salon. Puis, lorsque je te donnais rendez-vous, tu arrivais en regard. Une fois même, je t'ai attendu plus d'une heure et quart sur un coin de rue. Tu te perdais tout le temps. Tu marchais, tu marchais; à un moment, tu levais la tête et tu te rendais compte que tu ne savais pas où tu te trouvais. Tu faisais demi-tour et tu jurais contre toi-même.

Je me doutais bien que tu n'allais pas. Ta voix, la dernière fois que nous avions parlé au téléphone, était celle qui annonçait une rechute. J'aurais voulu faire quelque chose, mais il n'y avait pas grand-chose à faire dans ces moments, sinon t'emmener à l'hôpital. Et à moi seul, je n'aurais pas su t'y conduire de force. Tu refusais toujours de t'y rendre. Quand je t'ai rappelé, le lendemain, tu n'as pas répondu. Tu devais déjà être en train de raconter à des inconnus des histoires abracadabrantes sur ces années que tu disais avoir vécues à Hollywood, à New York, à Las Vegas, sur ces cocktails avec Bon Jovi, sur ces virées délirantes dans les bars avec Bruce Willis et, surtout, cette anecdote incroyable qui t'enlève toute crédibilité à propos de la Porsche que Jack Nicholson t'aurait donnée. Quand on sait, comme je sais, que tu n'as même jamais traversé la frontière américaine, on trouve ton travail d'imagination admirable.


Éditions Boréal - 184 pages