Après une tentation d'exil raté, Florentino se fera la promesse de ne jamais quitter la ville de Fermina Daza. Il grimpera les échelons de la compagnie fluviale où il travaille et se montrera un travailleur acharné et un séducteur invétéré malgré son aspect discret. Il multipliera donc les conquêtes en gardant toujours en tête une même idée: le docteur Juvenal Urbino finira bien par mourir et ce jour-là Florentino sera là pour sa veuve, surtout qu'au fil des ans, il en aura appris long sur les envies de ces femmes de noir vêtues.
Pendant ce temps Fermina vit son mariage, avec des hauts et des bas, la vie publique qui sied aux gens de son rang, les enfants, la tenue de la maison, et voit ici et là l'ombre de son premier amour en refusant de se laisser baigner un tant soit peu par la nostalgie.
Lire Garcia Marquez c'est toujours une rencontre littéraire. Cette histoire est construite d'une façon à la fois complètement maîtrisée et complètement antilinéaire: j'en suis incapable de résumer la structure. Et les descriptions, l'humanité. Chaque maîtresse de Florentino, chaque personnage secondaire, chaque mini drame conjugal devient un prétexte à un petit récit en soi, complet en lui-même. Comme dans Mémoires de mes putains tristes, Garcia Marquez parle aussi magnifiquement bien de la vieillesse dans ce livre. (Et on y retrouve encore la relation entre le vieillard et la pucelle adolescente; Garcia Marquez est profondément irrévérencieux, dans ce livre aussi.)
Bon évidemment, qui me connaît vous dira que je suis le prototype le plus raffiné de romantisme blasé: moi l'amour qui dure pour la vie... pfff... ça me fait un peu suer. Heureusement, la force des histoires dans l'histoire et la maîtrise exceptionnelle du récit m'a permis de ne pas développer une crise d'urticaire contre ce «Pauvre homme!» qui fait de son amour une vraie obsession (il faut imaginer la femme latine s'exclamer POBRECITO HOMBRE avec emphase pour comprendre tout ce qu'on perd en traduction... mais bon).
Comme j'aime les romans courts celui-ci m'est apparu un peu longuet par moment, mais ça vaut vraiment le détour.
Du même auteur : Mémoire de mes putains tristes, Chronique d'une mort annoncée, Cent ans de solitude
Par Catherine
Extrait :
Il se souvint d'Angeles Alfaro, l'éphémère et la plus aimée de toutes, qui était venue pour six mois donner des cours d'instruments à cordes à l'école de musique, et qui restait avec lui sur la terrasse de sa maison les nuits de lune, telle que sa mère l'avait mise au monde, jouant les suites les plus belles de toute la musique sur son violoncelle dont la voix devenait celle d'un homme entre ses cuisses dorées. Dès la première nuit de lune, un amour de débutants enfiévrés leur avait chamboulé le coeur. Mais Angeles Alfaro était repartie comme elle était venue, avec son sexe tendre et son violoncelle de pécheresse, sur un transatlantique battant le pavillon de l'oubli, et il ne resta d'elle sur les terrasses lunaires qu'un mouchoir blanc agité en guise d'adieu qui, sur l'horizon, ressemblait à une colombe triste et solitaire, comme dans les poèmes des Jeux floraux. Avec elle, Florentino Ariza avait appris ce qu'il avait plusieurs fois éprouvé sans le savoir: que l'on peut être amoureux de plusieurs personnes à la fois et avec la même douleur, sans en trahir aucune. Seul au milieu de la foule sur le quai, il s'était dit, pris d'une colère soudaine: «Le coeur possède plus de chambres qu'un hôtel de putes.» Son visage était baigné de larmes à cause de la douleur de l'adieu. Cependant, le bateau à peine disparu à l'horizon, le souvenir de Fermina Daza avait de nouveau occupé tout son univers.
Le livre de poches - 476 pages
Commentaires
mercredi 30 juillet 2008 à 02h53
C'Est un livre qui me tente depuis un bon moment... sauf qu'il y a le mot "choléra" dans le titre... et que juste ça inquiète drôlement l'hypocondriaque que je suis... peut-être qu'un jour je passerai par dessus!
mercredi 30 juillet 2008 à 13h36
oh t'inquiète Karine, il n'est presque pas question de choléra. Personne n'est malade, c'est plus un contexte, et parfois un prétexte!
mardi 5 août 2008 à 17h37
En fait la référence au temps du choléra, c'est comme le temps des cerises. Une façon de situer le passé.
Alors moi j'ai bien aimé celui là, et j'aime beaucoup l'écriture de Garcia Marquez, mais mon préféré demeure incontestablement "cent ans de solitude". Jamais une telle imagination, un tel souffle, une telle puissance évocatrice n'ont happé le lecteur ébloui que j'ai été de la première à la dernière ligne.
On retrouve un peu de ce souffle dans les bons Zoé Valdès (ils ne le sont hélàs pas tous).
Moi aussi j'aime les romans courts et bien troussés mais honnêtement "cent ans de solitude" mérite son volume et contrairement à "l'amour au temps du choléra", il n'y a pas de longueurs ennuyeuses à la lecture ou de page que l'on soit tenté de sauter...
mardi 12 août 2008 à 10h33
Je crois que ce titre et "Cent ans de solitude" sont mes pires souvenirs de lecture. J'ai fait un effort mais je sais depuis ces moments-là que G.G.M ne figurera pas dans la liste de mes auteurs appréciés ou chouchoux. Une écriture, un rythme qui ne passent absolument pas. Peut être tant pis ! Mais je me rattrappe sur d'autres auteurs
vendredi 12 décembre 2008 à 00h20
Ce livre demontre encore une fois le genie emanant de G.G.M , la fluidité de sa plume , la pureté de son style . Certains n'aimeront pas ce livre parcequ'ils ne le comprendront pas , ceux qui le comprendront les marquera beaucoup , et le verront comme le chef-d'oeuvre qu'il est !