Le narrateur, Nathan Glass, n'est pas ce que l'on appelle un optimiste forcené. Il faut dire, à sa décharge, que la vie ne lui a donné ces dernières années que peu de motifs de réjouissances : un divorce, une fille qui ne veut plus lui parler, un cancer et une solitude de plus en plus difficile à supporter. Il décide donc de passer sa retraite là où tout a commencé pour lui, dans le quartier de Brooklyn qui l'a vu grandir, et d'y écrire son Livre de la folie humaine ; une suite d'impressions et d'anecdotes sur les occasions manquées et les loupés de sa triste existence. En fait, il attend surtout la fin de toute cette vaste comédie et n'espère plus aucune issue heureuse.
Mais c'est toujours quand le héros semble définitivement résigné que les histoire peuvent réellement commencer.... Ce sont ses retrouvailles avec Tom, son neveu, qui vont offrir à Nathan une seconde existence.
Comme dans La musique du hasard, j'ai été subjuguée par le talent de conteur de Paul Auster. Ce qu'il y a de merveilleux et d'admirable chez lui, c'est sa capacité à nous envoûter avec des intrigues apparemment simples et dépouillées. N'allez pas chercher dans Brooklyn Follies une histoire aux milles et un rebondissement sinon vous serez immanquablement déçus. Par contre, si vous aimez les romans qui prennent leur temps et laissent toute la place à la psychologie et aux errements des personnages, Brooklyn Follies vous contentera au-delà de vos espérances.
L'histoire se déroule entre 2000 et 2001, et Paul Auster dresse une chronique de l'Amérique à la veille de l'élection de Georges Bush Jr et de l'attentat du 11 septembre. Il en profite bien sûr pour évoquer les préoccupations politiques qui agitèrent les États-Unis au cours de ces quelques mois, et plus largement les problèmes de la violence conjugale, de l'homophobie, des mouvements religieux sectaires... Mais ce qu'il y a de merveilleux, c'est que Paul Auster ne cède pas à la facilité du héros américain stéréotypé.
Bien au contraire, il s'attache à décrire toute la complexité et la richesse de l'âme humaine. Ses personnages sont des citoyens du monde, avant d'être des citoyens américains, et tous tentent avec leurs moyens d'accomplir l'entreprise la plus délicate et la plus ambitieuse qui soit : être heureux et accepter ce que l'on est.
Chacun des protagonistes a de l'épaisseur et les seconds couteaux sont tout aussi attachants que les rôles titres et il faudrait vraiment ne pas avoir de cœur pour ne pas se sentir proche de Harry ou Lucy. Il y a beaucoup d'amour et de générosité dans l'écriture de Paul Auster. Oui, ce livre est une déclaration d'amour pour le genre humain, d'autant plus saisissante que la fin nous ramène brutalement à la réalité. En tournant la dernière page, on aimerait que Paul Auster nous rassure et continue de nous sussurer les destins de ces êtres si banalement normaux.
Lire aussi les avis de Thom, Papillon, Laure, Essel et Clarabel
Du même auteur : La musique du hasard, La nuit de l'oracle, Dans le scriptorium
Laurence
Brooklyn Follies est un bon roman (Paul Auster en a-t-il écrit de mauvais ?), mais certainement pas le meilleur de l’œuvre austerienne. Les personnages sont attachants. Nathan, qui s’annonce pourtant comme un méchant numéro, s’avère généreux, ouvert, touchant. Auster dresse un portait de la nature humaine sous forme de charge contre le fanatisme et le sectarisme. Le roman est plus lent que plusieurs autres de ces livres. Un bon roman mais qui arrive à la cheville d’un livre comme Léviathan.
Par Catherine
le 01er octobre 2008
Extrait :
Je cherchais un endroit tranquille où mourir. Quelqu'un me conseilla Brooklyn et, dès le lendemain matin, je m'y rendis de Westchester afin de reconnaître le terrain. Il y avait cinquante-six ans que je n'étais pas revenu là, et je ne me souvenais de rien. Je n'avais que trois ans lorsque mes parents avaient quitté la ville, et pourtant je m'aperçus que je retournais d'instinct au quartier que nous avions habité, à la manière d'un chien blessé qui se traîne vers le lieu de sa naissance. Un agent immobilier du coin me fit visiter six ou sept appartements dans des maisons de pierre brune et à la fin de l'après-midi j'avais loué un trois-pièces avec jardin dans la Première Rue, non loin de Prospect Park. J'ignorais tout de mes voisin et ça m'était bien égal. Tous travaillaient de neuf à dix-sept heures, aucun n'avait d'enfants et l'immeuble serait donc relativement silencieux. Plus qu'à tout autre chose, c'était à ceci que j'aspirais. Une fin silencieuse à ma vie triste et ridicule.
Éditions Le Livre de Poche - 376 pages
Commentaires
dimanche 3 août 2008 à 11h45
Oui c'est excellent :). Un de mes chouchou à moi..
dimanche 3 août 2008 à 12h15
Doit-on dire merci???

enfin moi je dis merci... et mon porte-monnaie tremble!!
ça fait un bout de temps que j'ai envie de me replonger dans Auster.
Celui-là me tentait bien... mais j'en ai encore deux sur ma PAL!!
Mais je pense que je l'acheterai sans doute bientôt.
dimanche 3 août 2008 à 12h40
Difficile de résister après ce billet. Bon, j'avais le goût de le lire depuis un bon moment, ce qui ne nuit pas! Je crois que ça me plairait bien!
dimanche 3 août 2008 à 20h59
je suis comme Flo, j'adore Paul Auster ! Celui-là n'a pas échappé à la règle (a échappé à la règle tombouctou par contre...)
lundi 4 août 2008 à 09h18
Kroustik et Emeraude : oui Paul Auster est un grand auteur, cela ne fait aucun doute. Et j'ai la chance d'avoir encore la plupart de ses romans à découvrir.
Valériane : je ne sais pas si tu dois me dire merci vu que cela allonge ta pal et fais maigrir ton porte-monnaie. Vu comme ça, ça ressemble à un cadeau empoisonné
Karine : j'espère qu'il te plaira autant qu'à moi.
lundi 4 août 2008 à 10h31
je n'ai jamais lu auster encore, malgré les recommandations de Flo! Ma grand-mère l'a reçu dans la sélection Livre de Poche, plus d'excuses donc....!
lundi 4 août 2008 à 12h33
Un petit coucou vite fait.
Un des P. Auster que j'ai bien apprécié. En effet, mes relations avec cet auteur sont un peu étrange. Une fois cela passe... une autre fois, non. Je ne cherche plus à comprendre. C'est ainsi.
A bientôt
lundi 4 août 2008 à 16h18
je l'ai terminé la semaine dernière, j'ai aimé, mais je m'attendais à autre chose, en fait (je n'avais jamais lu PA !). Mais la plume est superbe, il est vrai !
mardi 5 août 2008 à 08h21
choupynette : c'est vrai que tu les lis juste après... me tarde d'avoir aussi ton avis sur le roman italien qui a fait grand débat chez les membres du jury.
Dédale : et pourquoi vouloir toujours comprendre?
Amanda : tu t'attendais à quoi en fait? ça m'intrigue...
mercredi 6 août 2008 à 14h23
en fait, n'ayant jamais lu PA et en ayant tant entendu parler, je m'attendais à qq chose de plus profond (peut-être moins accessible ? je ne sais, mais j'ai aimé)
mercredi 6 août 2008 à 15h57
Je l'avais bien aimé (j'aime tout Auster), mais j'avoue que ce n'est pas mon préféré. Le sentiment d'Amanda est, en effet, le bon : c'est un livre très accessible, très peu typique d'Auster, en fait. Du coup, en tant qu' inconditionnelle, j'avoue avoir été un peu déçue.
mercredi 6 août 2008 à 17h27
Amanda et Laiezza : j'ai préféré de beaucoup la Musique du hasard que j'ai trouvé bien plus riche, tant dans la construction que dans les thèmes abordés. Mais il me reste tous les autres à découvrir...
dimanche 10 août 2008 à 18h14
Je rejoins Laiezza et je t'envie d'avoir encore plein d'Auster à découvrir
@Emeraude : oui, "Tombouctou" est euh... raté ? :S Je me suis promis de le relire mais depuis 3 ans je n'arrive pas à me jeter à l'eau :D
mardi 12 août 2008 à 10h24
- Parce que j'aime bien comprendre... :-P
mardi 12 août 2008 à 16h28
J'ai animé pour mon groupe - lecture une journée P.Auster :livres , vidéos , films , liaison avec Actes Sud ce fut une période passionnante à la découverte d'un auteur si particulier . Avec un peu de recul je m'aperçois que le livre que j'ouvre le plus souvent c'est " L'invention de la solitude " à la fois source de réflexion et ouvrage porteur de tous les thèmes abordés par ailleurs .
mercredi 15 octobre 2008 à 23h42
Alors voilà , j'ai un devoir à faire , seulement je n'est pas encore reçu le livre de Brooklyn Follies en français et pour l'instant on travaille sur des fiches mais tout en anglais.IL est dur pour moi de comprendre , meme si à la base j'ai un niveau qui se tiens. Bref , tous ça pour dire , que j=comme j'ai rien compris pour l'instant j'aurais voulu en savoir plus sur les personnages Harry et Tom , dans le chapitre 2 plus exactement. Merci de repondre rapidement.
jeudi 16 octobre 2008 à 07h44
Désolée Low, mais ce site n'est pas un forum de solutions pour élèves. Il faudra donc trouver sans nous.
samedi 1 novembre 2008 à 23h13
Une bien agréable lecture pour débuter dans l'univers de Paul Auster.