Chaque nuit, elles se retrouvent sur la même chaîne et s'entraident pour que la tâche soit moins pénible. Mais un soir, Yayoi commet l'irréparable : au bout du rouleau, elle ne supporte plus la dernière provocation de son mari et l'étrangle sur le sol de sa salle de séjour. Commence alors pour les quatre femmes une spirale infernale.
Pour se débarrasser du corps, Mazako décide tout simplement de le découper en morceaux et de le jeter avec les ordures ménagères. Aidée par Yoshié et Kuniko, elle exécute son plan dès le lendemain matin. Mais tout ne va pas vraiment se dérouler comme Mazuko l'imaginait. Tapi dans l'ombre, un homme déjà condamné pour un meurtre barbare, a décidé de se venger...

Dans ce long roman, Niatsuo Kirino prend tout son temps, et parvient à créer un ambiance étouffante, angoissante. Bien plus que l'intrigue, ce qui prime ici c'est la psychologie des personnages. Ces femmes, brimées dans leur travail et leur foyer, rêvent toutes d'un ailleurs. Cet ailleurs est bien sûr différent pour chacune d'elles mais elles se retrouvent dans les moyens mis en place pour y parvenir, et tant pis si pour cela elles doivent trangresser les lois.
Les relations de ce quatuor et le fonctionnement de la société japonaise, très masculine, sont très bien retranscrits. À travers le personnages masculin de Kasuo, métisse japonais-brézilien, l'auteur en profite pour décrire les difficultés d'intégration pour les travailleurs immigrés.

Petit à petit, le piège se referme sur les quatre femmes. Et tout le récit baigne dans une moiteur de plus en plus poisse. Paradoxalement plus que la violence des actes, c'est l'attente qui est finalement la plus difficile à supporter. La fin, quant à elle, m'a légèrement déçue, car elle ne m'a pas paru cohérente avec ce qui précédait. Ce qui ne m'a pas empêcher de lire ce roman avec grand plaisir. Je remercie d'ailleurs Isabelle qui me l'a offert à l'occasion du swap Noir c'est Noir.

Laurence

Extrait :

- Madame Katori à l'appareil.
Heureusement, c'était elle. Yayoi respira un bon coup avant de parler.
- C'est moi, Yoyoi Yamamoto, dit-elle.
- Ah, Yayoi. Qu'est-ce qui se passe ? Tu ne viens pas travailler ce soir?
- Non. Simplement, je ne sais pas quoi faire.
- Pourquoi ? Demanda Masako, plus attentive que d'ordinaire. Il est arrivé quelque chose ?
- Oui, répondit Yayoi avant de se décider à ajouter : j'ai fini par le tuer.
Après un moment de silence, la voix de Masako se fit entendre.
- C'est vrai ?
- Oui, je ne te mens pas, je viens de l'étrangler.
Masako se tut de nouveau. Cette fois, le silence dura une trentaine de secondes. Mais Yayoi savait que ce n'était pas à cause de la suprise, mais parce que Masako réfléchissait.
- Qu'est-ce que tu comptes faire ?
Sur le moment, Yayoi ne comprit pas le sens de la question et resta muette. Masako poursuivit.
- Dis-moi ce que tu veux faire tout de suite. Je t'aiderai.
- Moi ? Je veux que ce soit comme avant. Les enfants sont encore petits.
Dès qu'elle eut prononcé ces mots, les larmes lui vinrent. La confusion la saisissait enfin. Masako interrompit ses sanglots.
- J'ai compris. J'arrive.


Éditions Points – 655 pages