J’ai eu beaucoup de mal à écrire ce billet. Cher Émile est un roman magnifique. Il raconte la difficulté d’aimer, la douleur de perdre l’autre, la douleur de se perdre soi-même. Il raconte les crises identitaires qui découlent de toute séparation, la difficulté de trouver sa place dans la société. Il décrit tous les états de la passion amoureuse. Tour à tour, dans ses les lettres, Éric apparaît comme optimiste, rayonnant de bonheur, triste, énervé, perdu, fou de douleur, désespéré, suppliant. Dans la bouche d’Éric, ce sont les mots de tout le monde que l’on retrouve. Éric est homosexuel, certes, et c’est une difficulté supplémentaire, mais ce n’est pas la seule. Qu’on soit hétérosexuel ou homosexuel, l’amour est un sentiment beau et douloureux. Il peut rendre heureux ou malheureux (je sais, c’est super cliché ce que je dis là, mais c’est tellement vrai). Sans fausse pudeur, les mots d’Éric disent tout, sans tabou, sans honte. La difficulté de vivre à deux, de vivre seul, de vivre tout court. La quête de soi à travers l’autre, jusqu’à ce que l’on comprenne que l’autre, ce n’est pas nous et que c’est en nous qu’il faut puiser notre identité.
Chaque lecteur se reconnaîtra chez Éric, c’est inévitable. Beaucoup de personnes pourraient dire « j’aurais pu dire cela, moi aussi, j’ai vécu la même chose ». Éric, c’est chacun de nous et c’est nous tous.
Chaque lettre est merveilleusement belle, troublante, douloureuse. Les sentiments transparaissent à chaque mot. Il est impossible de ne pas sentir combien l’auteur est proche des émotions humaines. Combien il a compris comment les exprimer. Éric Simard est un très bon écrivain. Son roman est merveilleux.
Mais je suis passée à côté. J’ai vu la beauté sans être touchée. J’ai vu la douleur sans la ressentir. Pourtant, je me suis moi aussi reconnue dans les mots d’Éric. J’ai vécu les mêmes douleurs que lui et je sais (du moins un peu) ce que ça fait que de perdre quelqu’un. Mais je n’ai pas réussi à ressentir le roman comme je l’aurais voulu. C’est dommage. Tant pis. Heureusement que d’autres que moi ont mieux ressenti le roman !
Pimpi
Extrait :
Mon très cher Émile,
Comme tu peux le constater, j’ai survécu à ma détresse. Le temps qui passe m’aide à panser mes blessures. Ce n’est pas la pleine forme, mais ça se supporte. Le fond, je l’ai atteint il y a trois mois, quand je t’ai écrit en plein désespoir. Ça m’a grandement aidé, tu sais. Ce qui m’a encore le plus touché, c’est quand j’ai reçu ta lettre. C’est en plein le soutien moral que je cherchais. Et recevoir de tes nouvelles voulait également dire que tu avais pris le temps de me lire. C’est énorme pour quelqu’un qui n’en mène pas large. Dans ces moments-là, de savoir qu’on compte au moins pour une personne sur la Terre est inestimable.
Puisque j’allais mieux dernièrement et que je ne voulais pas t’embêter avec mes histoires qui finissent toujours mal, je ne pensais pas te réécrire à nouveau à ce sujet (rassure-toi, je ne suis pas dans un puits sans fond aujourd’hui). Je sens tout simplement le besoin de me libérer de René et de tout le mal qu’il m’a fait pour pouvoir passer à autre chose.
Éditions Hamac - 125 pages
Commentaires
jeudi 14 août 2008 à 08h38
Eh bien, je ne suis pas rendue. Encore un ajout sur ma liste.

Je ne sais pas si tu as eu du mal à écrire ce billet, en tout cas, il est très agréable à lire et incite bien à ouvrir ce roman. Merci Pimpi.
jeudi 14 août 2008 à 12h32
Quelle chute pour ce billet ! Très inattendue vu ce que tu nous racontes avant !
Mais je suis d'accord avec Dédale pour dire que cela donne envie d'ouvrir ce roman !
jeudi 14 août 2008 à 12h58
C'est un roman que j'ai pour ma part beaucoup aimé. Ce que tu en dis ressemble beaucoup à ce que j'ai ressenti... sauf la fin parce que pour moi, ce fut une très belle lecture, dans laquelle j'ai vraiment embarqué!
jeudi 14 août 2008 à 14h14
Dédale : merci pour ton bon mot! C'est vraiment un livre à lire, c'est sûr, il est très beau!!
Yohan : je me doute que la chute de mon billet a dû surprendre, mais c'est très bizarre ce que j'ai ressenti pendant la lecture. Comme si objectivement, je me rendais compte de la beauté des lettres, mais qu'à l'intérieur de moi, je ne parvenais pas à être touchée. Je me suis sentie assez frustrée d'ailleurs, de ne pas être plus émue que je l'ai été!
Karine : j'ai lu ton billet avant d'écrire le mien. En fait, j'ai lu beaucoup de billets sur ce roman avant d'écrire le mien, ce qui ne m'a pas aidée car je pense être une des seules à ne pas avoir été totalement bouleversée par le roman. C'est très étrange comme sentiment, le fait de voir la beauté du roman sans la ressentir au plus profond de soi! Sincèrement, j'aurais voulu être plus émue, j'en attendais beaucoup après toutes les belles critiques que j'avais lues!
jeudi 14 août 2008 à 20h37
Au risque de me répéter, ça me remue toujours autant de lire de tels commentaires. Oui, la chute est surprenante mais elle démontre clairement le trouble ressenti par Pimpi. L'émotion est peut-être pour plus tard, le temps que le roman fasse son petit bout de chemin en elle. Merci! Ça m'encourage à continuer d'écrire.
vendredi 15 août 2008 à 03h06
Je suis contente de vous lire ici Eric, ça fait toujours plaisir de voir comment un auteur perçoit les commentaires sur ses oeuvres! Continuez à écrire comme vous le faites, bien sûr!