Jérôme Lafargue est professeur à la Sorbonne; alors que ces collègues s'interrogent sur le bien fondé d'un enseignement de la littérature traditionnelle, il erre dans son présent sans vraiment y être. Son père est atteint de la maladie d'Alzeimer, son fils a grandi et est de moins en moins présent, et il vit une tendre cohabitation avec son épouse. Alors, quand ce soir-là, il écoute sur son répondeur le message d'un dénommé Johan Launer qui désire vivement le rencontrer, il accepte sans trop savoir pourquoi.
Si Johan Launer tient tellement à rencontrer Jérôme Lafargue, c'est qu'il est persuadé que ce dernier détient le secret de ses origines. En effet, en 1968 Jérôme Lafargue a fait un séjour à Munich dans la maison du père de Johan; mais le seul souvenir de Jérôme Lafargue au sujet de ce voyage, c'est sa rencontre avec Jana, son épouse.
La narration est scindée en deux parties : Eugène Green prend à son compte le présent, tandis que Jérôme Lafargue, à travers son journal intime, nous narre les évènements passés. L'auteur a adopté ici deux styles très différents; on reconnaît dans l'écriture du journal intime la plume d'un amoureux des lettres; les phrases sont amples et fluides. A contrario, toute la narration à la troisième personne est assez froide et minimaliste. A tel point que les dialogues semblent parfois totalement factices.
Dans La reconstruction, Eugène Grenn nous parle du devoir de mémoire. De la nécessité ou non de connaître la vérité passée pour bien vivre le présent. Le terme même de reconstruction apparaît à de multiples reprises dans le livre, que ce soit à propos de l'Europe, de l'Allemagne, du pont des Arts ou de la vie de l'un des personnages. Si le propos a tout pour être passionnant, je n'ai malheureusement pas réussi à me faire à la musique de l'auteur. C'est sans passion ni entrain que j'ai fait ce voyage auprès de Jérome Lafargue. Reste une très jolie couverture, comme souvent chez Actes Sud.
Laurence
Extrait :
Jérôme est assis avec Jana dans le salon. Le jour baisse, mais ils n'ont pas encore allumé les lampes.
- Qu'as-tu fait cet après-midi? Lui demande-t-elle.
- J'ai beaucoup écrit dans mon journal.
- J'ai l'impression que cela te fait du bien.
- Oui, cela m'aide à vivre.
- Tant mieux. On est là pour vivre, et pourtant, ce n'est pas quelque chose qu'on sait faire spontanément.
- non. C'est quelque chose qu'on apprend.
Jana se lève pour allumer. Son mari lui demande :
- Que veux-tu faire ce soir?
- Tu m'as dit que tu voulais voir les Harmonies de Werckmeister.
- Oui.
- Je serais contente de le revoir avec toi. Il y a une séance tôt, à 19 heures, je crois.
- Allons-y, alors.
Éditions Actes Sud - 191 pages
Commentaires
lundi 15 septembre 2008 à 16h06
J'ai moi aussi acheté ce livre à cause (ou grâce) à sa couverture... c'est amusant, la manière dont cette image nous parle !
Je ne l'ai pas encore lu, il est le prochain sur ma liste, même si ce billet modère mes ardeurs...
Sur mon blog, mon dernier article est un compte-rendu d'autres livres de la rentrée, je vais continuer à parcourir les pages et voir si je les retrouve ici !
A bientôt,
Ariane
lundi 15 septembre 2008 à 18h27
Bonjour Ariane,
j'aime bien trouver tes commentaires au hasard des jours. Comme un fil qui se tisse et ne rompt pas.

Bon, pour ce roman-ci, c'est vrai que la couverture est superbe... mais bon, une rencontre ratée pour moi... J'espère qu'il n'en sera pas de même pour toi. Et puis, je vais aller chez toi, voir ce que tu as lu et si cela me donne envie.
mercredi 17 septembre 2008 à 14h51
Voilà un livre de rentrée qui me plaira certainement, tant sur le fond que sur la forme, Laurence ... La couverture incite à entrer dans la lecture de ce roman et l'histoire me plait aussi beaucoup
mercredi 17 septembre 2008 à 16h04
Nanne : si j'ai pu te donner envie alors que je n'ai moi-même pas aimé, tant mieux !
mercredi 17 septembre 2008 à 18h21
Bonjour Laurence,
Je reviens ici sous le choc, car je viens à peine de finir la Reconstruction et j'ai été plusieurs fois émue aux larmes, d'une émotion plus intellectuelle que sentimentale, car ce qu'Eugène Green écrit sur l'Europe, cette vieille Europe dont le centre est là où les vieux empires se touchent, cette Europe qui survit et - d'une certaine manière, à travers ce récit sur la filiation - parvient à se ressouder au coeur même de l'horreur, m'a infiniment touchée et correspond à des certitudes personnelles que je cultive depuis longtemps.... Bref, j'ai adoré ce roman, c'est de loin, de très très loin, mon roman contemporain favori depuis des mois ; je tenais à passer sur Biblioblog pour le dire car, comme tu le sais, j'adore ce blog
Je crois que je vais en parler sur le mien ce week-end car vraiment, ce livre m'a marquée.
Moi aussi, je suis toujours heureuse de revenir ici !
A très vite donc,
Amitiés,
Ariane
mercredi 17 septembre 2008 à 18h28
Merci Ariane d'être venue déposée ici tes impressions. Cela permet de nuancer mon propos et de confirmer ce que je pensais : il s'agit simplement d'une rencontre ratée pour moi, sans que cela mette en question les qualités du livre. Concernant les thématiques abordées, je suis tout à fait d'accord avec toi, simplement, la musique de l'auteur ne m'a vraiment pas séduite.
vendredi 26 septembre 2008 à 17h32
Bonjour Laurence,
Ravi de revenir sur ces pages. Quelle coïncidence que ce roman évoquant un certain Jérôme Lafargue, professeur de lettres! N'avez-vous pas parcouru les pages de l'Ami Butler, premier roman de Jérôme Lafargue? Je pense qu'il doit s'agir d'un clin d'oeil très voyant. Comme une blogueuse qui apprécie le même type de littérature que moi a beaucoup aimé le livre d'Eugène Green et que L'Ami butler figure parmi mes coups de coeur de l'année passée, je ne manquerais pas de vous donner mon avis prochainement.
Votre réserve m'inquiète car en général, je suis assez d'accord avec ce que vous dites sur ces pages.
L'extrait ne me donne guère l'eau à la bouche non plus.
Si vous en avez l'occasion et que vous aimez la littérature et le mystère qui en émane, jetez-vous les yeux fermés sur l'Ami Butler.
dimanche 28 septembre 2008 à 08h19
Edwood : rah... je me disais bien aussi que ce patronyme m'évoquait quelque chose, mais impossible au cours de ma lecture de me souvenir. Merci.
lundi 6 octobre 2008 à 22h32
Bonsoir !
Un millénaire plus tard... j'ai posté mon billet sur La reconstruction, et sur JP Dubois au passage. Je ne pourrais pas tenir un blog célèbre, mes réactions sont gastéropodiques !
Bonne soirée, à bientôt !
Ariane
mercredi 22 juillet 2009 à 18h48
Je viens de terminer 'la reconstruction'... n'ayant pas vraiment apprécié ce livre, j'ai voulu savoir de quel pays cet auteur au nom anglophone était originaire. S'il est un bon cinéaste et metteur en scène, je ne peux pas en dire autant de son premier roman. L'entrée en matière est longue et pas accrocheuse. Son écriture pas très bonne, et son histoire ne démarre q vraiment vers la page 100. Enfin, ce n'est q mon avis personnel et j'espère q d'autres vont plus apprécier son effort d'écriture.