Pour cela, Barran devra rester enfermé dans les sous-sols de l'immeuble pendant trois jours et trois nuits. Mais un invité de dernière minute s'invite à la fête : il s'appelle Propp et c'est un mercenaire américain, vieille connaissance de Barran.

Adieu l'ami n'est pas un roman mais le scénario du film réalisé par Jean Herman, avec dans les rôles titres Alain Delon et Charles Bronson. De fait, l'écriture est celle attendue d'un scénario : pas de verbes introducteur pour les dialogues mais une présentation plus proche de l'écriture théâtrale et une focalisation externe parfois déconcertante. En fait, Sébastien Japrisot se sert de sa plume comme d'une caméra : il décrit les faits, les actes, choisi son angle de prise de vue, effectue des travellings et des gros plans.
De ce point de vue là, le roman est déjà très intéressant et l'on visualise parfaitement chacune des scènes sur un grand écran. Mais en dehors des questions stylistiques, il y a aussi un huis clos passionnant : ces deux hommes, mi-amis mi-ennemis, vont être enfermés comme des rats pendant 72 heures pour le meilleur et pour le pire. Au fur et à mesure que les heures s'écoulent, leur relation évolue lentement et le lecteur a de plus en plus de mal à prendre parti pour l'un ou l'autre. D'autant qu'ils ne sont peut-être que les marionettes d'un esprit plus machiavélique encore.

Un "roman" prenant et qui donne furieusement envie d'en voir l'adaptation cinématographique. Car pour une fois, et c'est logique puisqu'il a été écrit pour l'écran, on voit mal comment celle-ci ne pourrait pas être une réussite.

Laurence

Extrait :

Barran. - Tu fais deux mille kilomètres aller-retour, en larmes et en voiture de location, uniquement pour demander à un militaire un travail que n'importe quel médecin peut faire !... C'est intéressant.
Pas de réponse.
Barran arrache brusquement ses lunettes noires.
Barran. - Tu te fous de moi ?
Isabelle le regarde avec des yeux tristes, des lèvres qui tremblent.
Isabelle (détournant la tête). - On passe la visite médicale dans le sous-sol de la société, juste avant le week-end de Noël.
C'est tout. Elle a dit cela d'une traite, comme on se jette à l'eau.
Barran. - Quel rapport ?
Isabelle. - Pas n'importe quel médecin accepterait de se laisser enfermer là-dedans, le dernier soir.
À ce moment, coupant la surprise de Barran, la D.S. pénètre dans un des tunnels d'entrée de Lyon.
Elle roule assez vite, à travers une obscurité peuplée de feu rouges et jaunes, de reflet de carrosseries.
Barran et Isabelle sont indistincts.
Barran. - Qu'est-ce qu'il y a dans ce sous-sol ?
Isabelle. - Un coffre.
Silence.
Barran. - Qu'est-ce qu'il y a dans ce coffre ?
Isabelle. - Rien du tout.
Barran. - Alors pourquoi veux-tu l'ouvrir ?
La voiture débouche de l'autre côté du tunnel, en plein soleil.
Barran regarde la jeune femme. Elle a sorti de son sac une grosse liasse de titres au porteur, de couleur verte, qu'elle tient dans ses deux mains et qu'elle lui montre avec un air perdu.
Isabelle. - Pour y remettre ça... Des actions que j'ai détournées... Il y en a pour cinq millions.


Éditions Folio - 154 pages