Je savais déjà que j'avais un faible pour les polars italiens, et la lecture de ce roman n'a fait que le confirmer. L'intrigue est menée à travers les yeux du pauvre Francesco, qui en plus d'avoir perdu celle qu'il aimait, apprend que celle-ci le trompait depuis plusieurs mois. Au départ fou de colère et de douleur, il se ressaisit rapidement et essaie de trouver coûte que coûte son rival.

J'ai très rapidement eu des soupçons sur l'identité avérée du meurtrier, il faut croire que j'ai le nez creux pour ce genre de chose, mais il est vrai que l'intrigue de Padana City est assez linéaire et classique pour un roman policier. Alors pourquoi ai-je aimé ce roman?
D'abord, comprendre l'identité du meurtrier n'a absolument pas gâché ma lecture, puisque j'ai quand même douté de mes déductions jusqu'au moment de la révélation. Et puis Massimo Carlotto et Marco Videtta nous offre surtout un voyage dans l'Italie du Nord-Est (titre original) de l'Italie, devenu le lieu de tous les investissements mais aussi de la Camorra, de la corruption judiciaire et des fuites industrielles.

En fait Padana City est un polar social très bien écrit. Il y a tout un côté documentaire passionnant sur ces familles influentes qui règnent en maître sur l'économie régionale. On découvre les réseaux, les pressions en tous genre, les arnaques... et l'éco-mafia (oui, oui, ça existe. Mais il faudra lire le roman pour comprendre). aujourd'hui, beaucoup d'industriels du nord de l'Italie prennent Timisoara pour un banlieue défiscalisée et profitent de l'ouverture des frontières européennes; pour eux, c'est gagnant sur tous les tableaux : non seulement ils font des économies, mais en plus ils privent d'emploi ces "étrangers envahisseurs".
Une chose est sûre, l'Italie que nous présentent les deux auteurs est très loin des cartes postales de la ville des amoureux. Ici, le cynisme est maître. Plus on avance dans le récit et plus on est ébahit devant les ambitions de l'ancienne génération. Les vieux sont prêts à tout pour ne pas céder un pouce de terrain, quitte à laisser derrière eux la jeune génération.
Un espoir cependant se profile, et il repose sur les épaules cette nouvelle génération. Mais qu'en fera-t-elle? Massimo Carlotto et Marco Videtta sans répondre vraiment à cette question, laissent présager des jours meilleurs.

Un roman à conseiller à tous ceux qui aiment l'Italie et désire la découvrir sous un autre jour.

Voir aussi l'avis de Cuné

Laurence

Extrait :

- C'est la dernière fois que tu me touches. Demain, je dis tout à Francesco.
Les mains se bloquèrent, mais sans abandonner les épaules.
- Comme ça, on arrête une bonne fois pour toutes.
Les mains s'attardèrent encore un peu. Puis, elles la poussèrent. L'eau avait un goût de sel et de jasmin. Elle n'imaginait pas qu'il avait autant de force. Elle parvenait à soulever la tête mais pas assez pour respirer à la surface. Il était entré dans la baignoire et avait appuyé un genou sur son sternum. Elle sentit l'air sortir de sa poitrine en formant des bulles. Ses yeux brûlaient. Ses mains glissaient le long des parois de la baignoire. Une jambe jaillit de l'eau. Saporedisalesaporedimare. Dieu sait d'où lui revenait cette chanson. Une douleur aiguë, le talon qui avait tapé contre le bord de la baignoire. Puis, plus rien, le noir les yeux ouverts. Les dernières bulles.
Et le râle douloureux de l'homme qui avait mis fin à ses jours.


Éditions Le Métailié - 213 pages