Paul, le narrateur, est un adolescent trop intelligent ou trop lucide pour être heureux. Pourtant, autour de lui, personne ne comprend cette mélancolie tenace : il a des parents aimants, une grande sœur attentive, un ami infaillible; mais Paul ne sait pas négocier avec le réel.
À la mort de Max, il s'était pourtant juré d'oser, de quitter ses recueils de poèmes pour aimer la vie et les filles, pour rire et devenir un adolescent comme les autres. Alors, il essaie, de toutes ses forces ; il va même réussir à parler à Camille et à construire quelque chose avec elle. Mais la dépression est toujours là, tenace et poisseuse.
Autour de Paul, les proches tentent de le comprendre et de l'aider. Mais comment aider une personne qui s'isole et refuse toutes les mains tendues ?

Dans ce premier roman, Blanche de Richemont aborde le thème difficile de la dépression adolescente et parvient parfaitement bien à mettre en avant tous les paradoxes liés à ce symptôme : le narrateur est sans cesse tiraillé entre son envie d'être comme tous les autres et son désir d'absolu. En quelques secondes à peine, il passe du désespoir le plus profond à un enthousiasme débordant.
Là où dans d'autres romans, certaines phrases m'auraient fait hurler par leur romantisme cliché, elles m'ont paru terriblement juste dans la bouche de cet adolescent qui se noie chaque jour un peu plus. Oui, à l'adolescence, on est souvent romantique en diable, on note des phrases toutes faites dans son agenda, on rêve d'un monde idyllique et absolu.
Banche de Richemont évite également le pathos malheureusement souvent indissociable de ce type de roman. L'écriture du roman est comme son narrateur : sensible, passionnée et tendre. On écoute Paul car il ressemble à un frère, un ami que l'on a déjà croisé.

C'est un très joli premier roman et l'on reconnaîtra sans mal bien des épisodes de toute adolescence, tant cette période est synonyme de mutations et d'interrogations. Au cours de ma lecture, j'ai noté beaucoup de passages qui m'ont émue parce qu'ils revêtaient un sentiment familier : les rapports aux parents, le regards des autres, l'impression tenace d'être en dehors des normes établies. Ce qui vit Paul, tout le monde l'a vécu à un degré plus ou moins intense. Et ce qui bien sûr est bouleversant ici, c'est cette intensité : quand l'adolescent devient son propre bourreau, son propre geôlier.

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Laurence

Extrait :

J'aimerais comme les poètes transformer la fange en beauté. Je n'ai pas de muse, mais des démons dans la tête. Des démons acharnés qui me forcent à ouvrir les yeux. Dès que je me voile la face pour adoucir ma vie, ils viennent taper à la porte de mon âme. Ils me rappellent à l'ordre en murmurant : « Ne fais pas semblant, tout est vain ! »
La mort de Max va tout changer. Je vais défier la mort en vivant plus fort. Mon arrivée en camion poubelle n'est qu'un prélude. On croit qu'il suffit de respirer pour vivre. Pas du tout. Vivre va plus loin. C'est se choisir. Oser. Je n'en ai jamais eu la force. Je l'aurai. Avant de mourir, Max m'a répété : « Fonce ! » Il passait la main en me la serrant. Nous sommes le 1er octobre. Je vais naître à quinze ans.


Éditions Robert Laffont - 123 pages