Les 18 textes qui succèdent au premier sont un éternel recommencement à l'issue tout aussi fatale : elle n'est plus là. Qu'elle ait quitté le narrateur, qu'elle soit morte, qu'elle ne soit qu'un fantôme fantasmé, la raison de ce départ importe finalement peu. Le narrateur, l'homme seul, tente indéfiniment de revivre le moment crucial et se heurte toujours au même dénouement.
Il y a dans ces courtes scènes les trois mêmes protagonistes : l'homme, la femme et le jardin. Hélène Lanscotte nous propose en somme une réinterprétation de l'éden, un paradis révolu où la nature tient une place primordiale. L'homme est amoureux d'une femme, elle-même amoureuse de son jardin.
Chaque texte contient une poésie onirique saisissante. On ne sait plus très bien où s'arrête la réalité et où commence le cauchemar : les plantes, la terre, la pluie, les pierres viennent s'immiscer dans la vie du couple. Parfois alliée, parfois ennemie, la nature est omniprésente et active. À travers ce triangle amoureux, l'auteure nous parle évidemment du travail de deuil et du refus de la réalité.
On traverse ce livre dans un état second, hypnotisé par la poésie de l'écriture, happé par le destin cruel de cet homme qui refuse l'inévitable et revit sans cesse son cauchemar. Le dernier texte se nomme Japonaise, et cela résume assez bien l'ambiance de ce livre : des estampes dans lesquelles l'Homme et la nature sont indissociables l'un de l'autre.
Une très jolie découverte que je dois à la bibliothèque de ma ville.
Laurence
Extrait :
Puis la terre s'est refermée aussi soudainement qu'elle s'était fendue. J'ai cru que tout alors allait se remettre en place, comme au réveil d'un nouveau rêve - que ma femme allait resurgir et reprendre son livre à l'ombre du cerisier et que, mon bouquet à la main, je l'embrasserais. Mais rien n'a réapparu, la terre s'est refermée tr-s vite, grondant à peine. Seule une entaille est demeurée. Une entaille comme deux lèvres à jamais entrouvertes, laissant échapper les même paroles fluides. Car un ruisseau est né dans cette crevasse.
L'eau sans cesse lave et adoucit cette blessure à vif, cette plaie qui ne cicatrise pas.
Reste une faille - est-ce la grimace douloureuse de la terre ou le sourire de ma femme?
Éditions Cheyne - 74 pages
Commentaires
dimanche 21 septembre 2008 à 17h02
Ce billet me donne très envie de découvrir ces variations sur un même thème, thème du deuil qui me touche, m'interroge, parfois même me hante j'ose le dire. En effet, comment faire avec l'absence ? Comment continuer, malgré tout, à vivre, à mener les activités du quotidien, à donner le change ? Et comment supporter les marques, tous les indices qui rappellent l'absent(e) ? Il semblerait que ce livre explore avec finesse toutes ces questions. Et puis ce que Laurence dit de la qualité de l'écriture poétique est un argument supplémentaire en faveur de cette lecture.
Oui, assurément, c'est décidé, je commande dès ce soir ce livre publié par une maison d'édition qui a déjà par le passé prouvé son aptitude à révéler de vrais talents. Merci donc à Laurence.
dimanche 21 septembre 2008 à 17h44
Bonjour F.B.
je suis heureuse que ce billet ne reste pas vierge de commentaires car c'est un livre dont j'ai vraiment aimé la poésie onirique. Je crois que pour l'apprécier il ne faut pas attendre un univers cartésien, au risque d'être déçu. Mais si le lecteur accepte de naviguer entre cauchemars et fantasmes, alors je pense que ces textes peuvent le séduire. L'auteure ne propose aucune solution mais retranscrit l'obsession de l'être disparu.
J'espère que vous l'aimerez autant que moi.