Dans ses lettres à lui: l'absence, l'exil, la découverte, le choc culturel, la liberté tant souhaitée. L'amour, tellement d'amour. Dans ses lettres à elle: Shangaï, les souvenirs, la peur, les rêves, l'absence toujours.
Une troisième voix, celle de Da Li, la compagne de lycée de Sassa qui suit Yuan à Montréal et écrit elle aussi à Sassa tout ce qu'elle capte et voit de Montréal et de cette liberté dont elle rêvait. Elle témoigne aussi de cette impression d'être plus chinois que jamais une fois à l'étranger.
Les points forts sont nombreux. La réflexion sur l'exil et le style très beau, simple, pur. Je signalerais aussi ce triangle relationnel qui aurait pu être banal et s'avère intéressant en cultivant les clairs-obscurs.
Ma seule réticence est que parfois je trouvais le tout un peu appuyé ou trop explicatif. Une shangaïenne qui écrit à son amoureux shangaïen n'expliquera pas une légende de Shangaï lorsqu'elle l'évoque dans une lettre. Si on l'explique, c'est pour nous, lecteur. Ce sont des détails, mais des détails qui par moment cessent de nous faire croire à la plausibilité de ce roman épistolaire.
Par Catherine
Extrait :
Me voilà à l'aéroport de Vancouver. Il me faut prendre un avion canadien pour continuer mon trajet. En attendant l'heure du départ, je veux te redire, Sassa, ma souffrance de te quitter. Quand je suis monté dans l'avion, tu souriais. Comment peux-tu me faire cela, ma maligne? Comment peux-tu ne pas pleurer un peu à un moment pareil? Il est vrai que tes pleurs ne sauraient pas mieux me consoler. Mais ton sourire muet, ton sourire intelligent et moqueur m'a troublé. Il est imprimé dans ma mémoire et engendrera des douleurs qui m'accompagneront désormais sur le nouveau chemin de ma vie. Est-ce bien cela que tu voulais, hein?
Il est inutile de te donner des explications. Tu peux tout comprendre et tout supporter sauf cela. Ainsi, tu trouves normal que j'abandonne une terre qui m'a nourri, pauvrement, pendant une vingtaine d'années, pour un autre bout du monde inconnu. Tu m'as même dit que tu apprécies en moi cette espèce d'instinct vagabond. Mais tu ne veux pas croire que c'est en quittant ce pays que j'apprends à le mieux aimer. Le mot «aimer», tu le trouveras peut-être trop fort. Pourtant, je pourrais dire que c'est aujourd'hui, bien plus qu'à d'autres moments de ma vie, que je ressens un profond besoin de reconnaître mon appartenance à mon pays. C'est important d'avoir un pays quand on voyage. Un jour, tu comprendras tout cela: quand tu présentes ton passeport à une dame aux lèvres serrées, quand tu te retrouves parmi des gens dont tu ignores jusqu'à la langue, et surtout quand on te demande tout le temps de quel pays tu viens. Pour pouvoir vivre dans un monde civilisé, il faut s'identifier, c'est cela.
Yuan, de Vancouver
Éditions Leméac - 140 pages
Commentaires
mercredi 8 septembre 2010 à 00h57
J'ai aimé beaucoup ce livre. L'histoire est très interessant et incroyable. Pour moi, qui pense d'habiter au Québec, a été encore une importante ressource d'information pour suivre l'adaptation d'immigrant au Québec, l'aspects de la propre l'histoire et la culture et les changements d'une nouvelle vie.