Murdoch parle. Il parle mal ! Il sacre. Il dit ce qu’il voit : des choses dures, des choses absurdes, le vide abyssal dans lequel la vie lui semble creuser son lit. Tout ça, pour ça ? Norvège elle ne parle pas. Elle est enfermée dans sa chambre. Ses parents l’appellent, mais elle ne parle pas. Des fois elle crie. Mais c’est tout. Un seul nom sur un papier tendu : monsieur Boltansky. Boon (Paul-Émile Beauregard-Nouveau, mais quand on contracte ça fait Boon… comme Daniel, oui…) n’est pas monsieur Boltansky, mais il joue le rôle de monsieur Boltansky. Boon voulait écrire quand il était adolescent. Il a écrit et on lui a craché à la figure. Alors il est devenu enquêteur judiciaire. Il devait se dire que les morts crachent rarement. Boon connaît bien Norvège, il connaissait aussi Murdoch. Mais ça c’est une autre histoire.
En fait, c’est toute l’histoire. Et je ne la vous conterai certainement pas. Résumer 39 pages est parfois un plus grand crime que d’en résumer 390.
Voilà une pièce écrite pour des adolescents et qui parlera sûrement à l’adolescent en vous. Une pièce à la fois 100% montréalaise avec un quelque chose d’humainement universel : la recherche de sens. Avec la verve de Wajdi Mouawad, avec sa langue entre poésie et couteau à viande, sa langue qui vous gifle de l’intérieur, comme si on avait incisé votre pensée et vos inavoués pour nourrir sa page blanche. Avec son équilibre précaire entre réalisme et fantastique, ses spectaculaires mises en abîmes. Quand le théâtre dans le théâtre trouve la vraie vie dans le théâtre. Où serait-ce que théâtre dans la vraie vie se mélange avec la vie qu’on s’est inventée dans la vraie vie ? Où serait-ce que la vraie vie ne veut rien dire?
Et on en sort en se disant qu’on a peut-être laissé la laideur pousser au fond de soi. Et on en sort en se disant qu’un jour on a lu un livre pour se désennuyer et qu’il y avait quelque chose là comme la beauté.
À voir sur scène en décembre 2008 à Montréal, au Théâtre d’aujourd’hui. Avec ou sans vos adolescents.
Du même auteur : Anima, Le soleil ni la mort ne se peuvent se regarder en face
Par Catherine
Extrait :
Je ne sais pas, monsieur, si c’est quelque chose que vous pouvez comprendre, je ne sais pas si c’est quelque chose que vous avez déjà éprouvé, mais c’est freakant de voir, du jour au lendemain, la mécanique d’un monde qui pendant longtemps était magique ! Je le sais plus ce qui se passe. Je le sais plus ! Est-ce que ça sert à quelque chose de «connaître» ? Est-ce que ça sert à quelque chose de «savoir» ? O.K., oui. Bon, c’est le fun de savoir que la capitale de l’Islande, c’est Reykjavik, Lomé la capitale du Togo et Ouagadougou la capitale du Burkina Faso, et quand il pleut à Montréal, il faut beau à Bornéo. C’est sûr : c’est utile ! Mais à quoi ça sert si je ne parviens pas à calmer ma colère ? Qu’est-ce que je peux connaître ? Qu’est-ce que je peux faire pour avoir le sentiment que je suis vivant et pas une machine ? Comment ça se fait que ce matin, en regardant mon sac d’école, j’ai eu l’impression que mon sac d’école avait plus d’espoir que moi ? Comment ça se fait que plus je grandis, moins j’ai l’impression d’être vivant ? Monsieur, qu’est-ce que ça veut dire, être vivant ?
Éditions Actes Sud/Leméac - 39 pages
Commentaires
lundi 13 octobre 2008 à 08h23
Bon, je ne pourrai pas aller le voir à Montréal, par contre tu m'a donné le goût de le lire.
lundi 13 octobre 2008 à 08h40
Wadji Mouawad est un Grand Monsieur.
Je sens que je vais commander cette pièce, oui
(et je te conseille vivement "Incendies)
lundi 13 octobre 2008 à 11h14
Voilà un nom qui commence à se frayer un chemin dans le théâtre contemporain.
J'ai été fasciné par Forêts, et je vais continuer avec Incendies dans 15 jours.
Vraiment un grand auteur, qui est en train d'obtenir la reconnaissance qu'il mérite.
mercredi 15 octobre 2008 à 21h46
Je suis tombé sur ce site par hasard, en recherchant des extraits de "Assoiffés". Hier, j'ai eu l'occasion d'aller voir ce magnifique, extraordinaire, fantastique, spectacle. Je n'en reviens toujours pas. Bref. Bien plus qu'une simple pièce de théâtre, "Assoiffés", nous prend par les tripes. Des paroles qui nous touchent en pleins cœur. J'étais subjuguée par la présence des acteurs sur scène, par leurs interprétation, et par ce magnifique texte.
Je n'en dirais pas plus car je risque de me répétée. Mais franchement, si vous avez l'occasion, aller voir cette pièce. Elle en vaut vraiment le coup. Et si vous ne pouvez pas, lisez la. Personnellement, je ne m'en suis toujours pas remise...
mardi 21 octobre 2008 à 16h22
Oui moi aussi Pressy, j'ai vue le spectacle, et j'en ai été bouleversé, suivez le conseil de Pressy, c'est une pièce à ne pas rater...
mardi 25 novembre 2008 à 01h34
Je l'ai vu mais à rouyn et c'est malade comment c'était bon! Aucuns clichés sur l'adolescence et une mise en scène vraiment bien pensée. Autant qu'un des personnage ne parle pas, autant qu'il peut être aussi expressif que celui du révolté! Tout est magnifique dans cette pièce et tout est bien penser. Un grand bravo
samedi 7 mars 2009 à 15h13
J'ai eu la chance de le voir à Mende, en Lozère en France, ce jeudi soir.
J'ai rarement vu de pièce aussi indescriptible. Vrai, on se sent vraiment dans la peau de Murdoch, dans l'univers mis en place.
Wajdi Mouawad à un vrai sens de l'écriture, et juste pour me replonger dans cet univers hors du commun, je pense que je vais le commander.
Un grand merci pour ce moment inoubliable
jeudi 19 mars 2009 à 11h13
Un spectacle avec des questions existentielles intéréssantes , peut-être un peu trop d'effets : un arbre et un linceul blanc pour montrer que Murdoch est mort , le rouge sur la porte pour montrer la peur et la métaphore de la laideur avec la pieuvre, tous ces objets ne laissent peut-être plus de place au jeu des acteurs notamment à " Norvège " qui est une danseuse abominable et qui n'a pas vraiment joué.Cela dit Mudoch était stupéfiant il résume à lui seul force vitalité et personnage comique.
jeudi 19 mars 2009 à 15h51
Assoiffés ... Comment décrire ... Je suis allé le voir en décembre && j'y retourne dans quelques jours ^^
Je ne me suis pas remise de cette pièce, elle m'a bouleversé au plus profond de moi-même.
jeudi 19 mars 2009 à 20h10
Cette pièce de théâtre est très bien et pour cause je suis aller la voir au théâtre de Narbonne.
jeudi 24 décembre 2009 à 15h06
J'ai été voir cette piece elle est passée a epinal . c'était génial tro géan . Bravo
lundi 22 novembre 2010 à 18h52
J'ai juste ADORE cette pièce alors qu'elle passait au théâtre du Préau de Vire !
Ce coup de gueule, tout le monde en a bien besoin.
Merci, et continuez comme ça, vous êtes géniaux !!
mercredi 27 avril 2011 à 13h38
Cette pièce est magique et m'a boulversée, quelqu'un sait où je pourrais la revoir?