Vol de nuit me confirme qu'il n'est pas nécessaire de lire de gros pavés pour être embarquée dans des aventures passionnantes. Dans un style simple, sans fioriture mais d'une force évocatrice reconnaissable entre mille, l'auteur, qui écrit en connaissance de cause puisqu'il a été lui-même pilote, nous fait vivre les tourments de l'attente, le cheminement de pensées de Rivière, le directeur de la compagnie de la Postale à Buenos Aires. Rivière, homme inflexible presque inhumain pour certain, aime ses pilotes. Il sait ce qu'il leur demande.

Il attend les trois avions du Paraguay, de la Patagonie et du Chili. Dès leur atterrissage, leur cargaison de courrier sera embarquée immédiatement dans l'avion pour l'Europe. C'est la course contre la montre, la lutte contre les dangers de la nuit, des reliefs de la Cordillères des Andes, sans parler des changements de temps. La compagnie joue sa crédibilité, sa longévité en concurrence avec le train et le bateau. Que dire des risques que courent sans cesse ces pilotes, ces fous de l'aviation, pour ces vols de nuit si périlleux ! Il n'est pas vain de parler de ces hommes comme de véritables héros.

Si le vol du Paraguay a eu beau temps sous la lumière éclatante de la lune et arrive sans difficultés à bon port, si Pellegrin a vaincu un orage, Rivière attend fébrilement Fabien, le troisième pilote parti de Patagonie. Rivière attend. Fabien (et son navigateur) lutte contre un cyclone, contre une nuit sans la moindre lumière.

C'est beau, fort, intense dans l'écriture, dans le rendu des événements, des sensations et des peurs. C'est superbe ! Mon vol de nuit s'est déroulé sans encombre et a été passionnant. Je vous recommande vivement la compagnie de Saint-Exupéry.

Dédale

Du même auteur : Courrier Sud

Extrait :

Ainsi les trois avions postaux de la Patagonie, du Chili et du Paraguay revenaient du Sud, de l'Ouest et du Nord vers Buenos Aires. On y attendait leur chargement pour donner le départ, vers minuit, à l'avion d'Europe.
Trois pilotes, chacun à l'arrière d'un capot lourd comme un chaland, perdus dans la nuit, méditaient leur vol, et, vers la ville immense, descendraient lentement de leur ciel d'orage ou de paix, comme d'étranges paysans descendent de leurs montagnes. Rivière, responsable du réseau entier, se promenait de long en large sur le terrain d'atterrissage de Buenos Aires. Il demeurait silencieux car, jusqu'à l'arrivée des trois avions, cette journée, pour lui, restait redoutable. Minute par minute, à mesure que les télégrammes lui parvenaient, Rivière avait conscience d'arracher quelque chose au sort, de réduire la part d'inconnu, et de tirer ses équipages, hors de la nuit, jusqu'au rivage.
Un manœuvre aborda Rivière pour lui communiquer un message du poste radio :
- Le courrier du Chili signale qu'il aperçoit les lumières de Buenos Aires.
- Bien.
Bientôt Rivière entendrait cet avion : la nuit en livrait un déjà, ainsi qu'une mer, pleine de flux et de reflux et de mystères, livre à la plage le trésor qu'elle a si longtemps ballotté. Et plus tard on recevrait d'elle les deux autres.

Vol de nuit
Éditions Folio - 188 pages