Thomas a laissé derrière lui son doctorat en théologie. Il s'est inscrit en littérature grecque à Québec. Thomas a perdu la foi et il décide donc de continuer son travail sur l'Apocalypse mais en ne travaillant que le texte. Finis les questionnements sur la foi, finis la recherche de vérité. De toute façon le sens est mort en même temps que Christian dont les circonstances seront précisées tout au long du récit.

Jusqu'à ce que son nouveau directeur de thèse le mette au défi de retrouver l'âme, le divin, l'enthousiasme... le souffle de vie. Enthéos. C'est le réel point de départ du combat entre l'ombre et la lumière, son envie de se laisser couler dans son marasme, et son besoin de s'enflammer. Il rencontrera Elsa dans sa quête. Elsa comme une pure flamme, désirée comme telle.

Il est presque impossible de résumer ce récit dont il faut découvrir les noeuds et les tresses et les points de jonction un à un. Mais on peut en dire qu'il est à la fois très bien écrit et intelligent. Le défi de faire appel au symbolisme sans pour autant tomber ni dans l'hermétisme, ni dans le simplisme est bien relevé. Les références à la Grèce antique et à la Bible sont présentes sans pour autant nuire à la lecture de quelqu'un qui n'y entendrait rien. Je soulignerais aussi le courage qu'il faut pour soulever la question de la foi dans une société qui a tendance à ne plus vouloir en entendre parler.

Les personnages sont tous plus grands que nature. Trop parfois peut-être, conférant au récit une impression d'irréalité. Même dans leurs défauts ils sont grandioses, comme des mythes. Mais en fait, sommes-nous dans le roman réaliste? Peut-être pas. Il y a là un goût de tragédie qui justifie l'appel à de telles personnalités comme cette Elsa plus grande que nature.

J'en suis sortie avec une mordante envie de lire André Gide dont le livre Les Nourritures terrestres est un personnage important de ce roman. Après avoir lu quelques scènes qui se passaient dans les froids crus de février, je me suis surprise à chercher gants et bonnets en sortant du métro, oubliant momentanément que l'automne commence à peine... et que je ne suis pas Thomas...

... quoi que...

Par Catherine

La Recrue du mois est une initiative collective qui met en vedette le premier ouvrage d’un auteur québécois. Pour lire les autres commentaires sur ce livre vous pouvez donc vous rendre sur le site de La recrue du mois

Extrait :

Thomas retire ses lunettes. Les pose sur la table. Frotte ses yeux. Pourquoi faut-il détruire pour recommencer à partir de rien? Pourquoi l'homme se senti-il menacé par son passé? Pourquoi est-ce si difficile de combiner les deux, passé et présent, pour entrevoir un futur englobant, équilibré? La bête humaine n'est pas assez souple pour tolérer la différence. Peut-être cherche-t-elle seulement à éviter le doute.

Ce doute qui s'insinue dans l'esprit. Qui repousse les limites. Qui amène le faible à se rebelle, les esclaves à briser leurs chaînes. Non. Le doute ne doit pas perdurer dans une société qui se veut forte.

Mais lui, n'est-ce pas sa façon de faire? Ne fuit-il pas son passé pour se reconstruire sur des ruines, incapable d'assimiler comme partie intégrante de lui-même sa souffrance, sa déception? N'est-l pas en train d'allumer son propre incendie intérieur? D'immoler en lui son âme de papier, les archives de sa propre Alexandrie?

Il espère que sous la cendre naîtra une moisson riche. Fécondée par les débris carbonisés de son ancien monde.


Éditions Hamac - 260 pages