Ce roman de Philippe Blasband plonge Maguy, grand-mère banale, bien sous tous rapports, découvrir le milieu glauque et violent de la prostitution et de la nuit. Entre situations personnelles inhumaines et concurrence à tout crin, elle perd peu à peu ses repères. Lorsque que sa collègue, qui l’a initié à son nouvel emploi, est renvoyée car elle rapporte moins que Maguy, cela la met dans une situation complexe qu’elle ne connaît pas. Mais l’image de son petit-fils qu’il faut absolument sauver l’incite à continuer cette activité étrange, d’autant qu’elle s’y prend plutôt bien.
Malheureusement, si le sujet est fort, le traitement m’a paru un peu léger : on sent l’hésitation de Maguy, mais cela reste assez superficiel. Le regard de l’extérieur est à peine évoqué. Même les aspects plus comiques, s’ils font sourire, ne semblent pas totalement exploités. Ainsi la scène où Maguy déclare son traumatisme physique lié à sa nouvelle activité fait sourire, sans plus. De plus, la typographie utilisée m’a quelque peu gênée. Lorsque les personnages crient ou hurlent, en plus du verbe utilisé dans le dialogue, les mots sont inscrits en majuscule, comme si c’était absolument nécessaire pour comprendre l’intention véritable de l’auteur. C’est un détail, mais qui trahit selon moi les quelques lacunes de ce texte, qui aurait pu être beaucoup plus porteur. L’auteur est également scénariste, et peut-être que la concision des scénarii a eu un effet involontaire sur l’écriture de ce roman.
A noter que ce roman est paru alors que l’adaptation cinématographique a déjà était réalisée par Sam Gabarski. L’action passe de Bruxelles à Londres, avec une merveilleuse Marianne Faithfull et un très intrigant Miki Manojlovic (vu chez Kusturica) comme gérant du club. Un film plus réussi que le roman !
Par Yohan
Extrait :
Après deux semaines, Maguy se rend compte que son nouveau travail a déjà perdu toute son étrangeté. Elle ne peut pas vraiment dire qu’elle aime faire ça, comme elle avait aimé être hôtesse à la RTB. Mais ça ne la dérange pas.
Un jour, alors qu’elle est occupée avec un client, Camille passe à nouveau la tête par la porte. Il lui demande, de voix calme et sans intonation :
- Quand tu as fini ça, tu peux passer au bureau, s’il te plaît ?
- Quand j’ai fini ça ?
Et elle indique le pénis qu’elle est en train de masturber.
- Non, quand tu as fini ton chift.
Il sort et referme la porte.
Maguy continue à masturber tout en se répétant à voix basse :
- Chift ?... Chift ?...Ah oui !... Shift !
Elle murmure, plusieurs fois de suite, avec un léger accent anglais : « Shift ! », « Shift ! », « Shift ! »…
Éditions Castor Astral - 160 pages
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