La première, La romancière, m'a particulièrement amusée : Catherine Glory, une jeune institutrice, va sans le vouloir être l'objet de la plus grande mystification du monde littéraire. Elle qui n'a jamais écrit un seul mot de fiction, va devenir la romancière la plus en vogue des milieux bien pensants. Une romancière-blanche, un écrivain fictif. Dans ce récit Raymond Jean s'amuse, et nous avec, à épingler les travers du monde de l'édition et de la médiatisation des auteurs. C'est une gourmandise acide qui se déguste avec plaisir. Arrivée donc au terme de cette première nouvelle, je m'attendais donc à être embarquée avec autant de plaisir dans les suivantes.

Si le second récit, Bleu noir ou la leçon d'écriture, nous propose là encore un regard mordant sur l'édition et les critères d'acceptation ou non des manuscrits, je suis restée très perplexe en lisant les nouvelles suivantes. Non seulement je n'ai pas bien compris qu'elle était l'unité du recueil, mais j'ai trouvé que les intrigues étaient pour le moins faiblardes et que la forme ne permettait pas vraiment de combler ces manques. Quant à la dernière nouvelle, je cherche toujours ce que l'auteur a voulu tenter là.

Finalement, j'ai été heureuse de lire les deux premières nouvelles, mais l'ensemble ne m'a pas paru cohérent et abouti.

Laurence

Extrait de La romancière :

- Je vous propose de publier un livre de vous entièrement blanc.
C'est à dire ?
- Des pages blanches. Une couverture. Votre nom. Un point c'est tout. Un livre épuré.
- Ce sera facile à faire.
- Du point de vue de la fabrication, peut-être... et encore, ce n'est pas si sûr... Pour la diffusion, ce sera un autre problème. Mais avec un peu d'audace...
- Un petit carnet blanc, en somme.
- Ah non, pas du tout ! Un vrai roman. Au moins trois cents pages.
- Blanches ?
Il ne put cacher soudain une certaines défaillance, une hésitation. Comme si la gageure était difficile à tenir. Il appela le garçon pour commander un alcool fort, dont le nom échappa à Catherine, mais qu'il réclama double et bien tassé. Le garçon semblait avoir l'habitude.
J'avais pensé qu'on pourrait mettre quelques notes au bas des pages.
- Des notes sur quoi ?
- Peu importe des notes. Une idée comme ça. Pour que ce ne soit pas tout à fait vide. En plus, ce serait original et provocant du point de vue de la présentation... Mais rassurez-vous, vous n'auriez pas à les écrire. J'ai d'excellents collaborateurs. Il se prit à rêver, les yeux au plafond.


Éditions de L'aube - 127 pages