Dans Masques, Henry, jeune orphelin de 10 ans est élevé par sa tante Mina, un personnage excentrique qui sévit dans le milieu du théâtre et est obsédée par les costumes, les masques et les jeux de personnalité. Le petit Henry est troublé par son étrange tutrice et le sera doublement en faisant la rencontre de Linda, une très jolie camarade de classe. Dans Pornographie, O'Byrne travaille pour son grand frère, propriétaire d'une librairie pornographique. O'Byrne n'a pas beaucoup d'ambition dans la vie, mais deux maîtresses: Pauline et Lucy. Finalement, dans Psychopolis un homme découvre la ville de Los Angeles et ses accès. Il est entouré de quelques amis qui se retrouveront ensemble dans une dernière et étrange soirée.

De prime abord, il n'y a pas grand chose chez Ian McEwan pour m'attirer. Je l'ai choisi parce que c'est l'Aristochat et que j'aime Les chats de bibliothèque (et en amour, je suis fidèle... surtout quand les livres sont en jeu). Même si ce n'est pas trop mon type, j'avoue que la première nouvelle m'a plongée dans une étrangeté assez envoûtante. Il y a quelque chose chez McEwan de l'inquiétante étrangeté de Freud et nous avons constamment l'impression que l'horreur est à la porte sans qu'elle n'y soit vraiment. Mais outre cette première nouvelle et malgré le sentiment général d'étrangeté qui se poursuit d'un texte à l'autre, les deux nouvelles suivantes m'ont semblé plus faibles et plus faciles, sombrant dans une perversité trop aisément choquante, moins subtile.

Du même auteur : Samedi, Operation sweet tooth

Catherine

Extrait :

En représentation permanente, même lorsqu'elle était seule, sous le regard d'un public à qui elle dédiait tous ses actes - une espèce de sur-moi - elle avait garde de le décevoir, de se décevoir, de sorte que lorsqu'elle s'écroulait d'épuisement sur son lit avec un gémissement, ce gémissement avait une forme, il disait quelque chose. Et le matin, dans sa chambre, quand elle s'installait pour se maquiller devant le miroir entouré d'une série d'ampoules nues disposées en fer à cheval, elle sentait un millier de regards dans son dos et, sereinement, menait chaque geste à son terme, consciente de son caractère unique. Henry n'était pas de ceux qui voient l'invisible et il se méprenait sur le compte de Mina. Mina qui chantait ou Mina qui faisait de grands moulinets de bras en exécutant une série de pirouettes dans la pièce, Mina qui achetait des ombrelles et des déguisements, Mina qui imitait l'accent du laitier devant le laitier, ou simplement Mina qui arrivait dans la salle à manger avec un plat qu'elle tenait le plus haut possible de ses bras tendus, en sifflotant une marche militaire et en battant la mesure avec les étranges chaussons de danse qu'elle portait toujours - Henry avait l'impression que tout cela lui était destiné. Il était mal à l'aise, vaguement malheureux - fallait-il applaudir, était-il censé faire quelque chose, entrer dans le jeu pour que Mina n'imagine pas qu'il boudait? Il lui arrivait d'ailleurs de se laisser gagner par l'humeur de Mina, de tenter une entrée plus ou moins maladroite dans le délire de quelque cérémonie démente en oeuvre dans la pièce. Quelque chose alors dans le regard de Mina suffisait à le mettre en garde: il n'y avait pas place pour deux sur la scène, et il ne lui restait plus qu'à diriger ses pas vers le siège le plus proche..


Folio - 132 pages