Dans la première nouvelle, M. Henry et Mme Marlène, un vieux couple, ont tenu un diner toute leur vie et cherchent, chacun à leur façon, une façon de redonner du souffle à leurs vieux jours. Le couple peut-il être le véhicule de ce renouveau? Ensuite, nous suivons un homme sans nom dont les différentes versions (ou étapes) d'une même histoire se superposent, créant un maëlstrom d'impressions contradictoires.
Dans l'enfilade, Jobidon nous amènera à la quête d'un pull à Paris, à la conquête d'un Mystère dans la Mystérieure famille Perrrichon (avec trois r), dans les déboires d'une photographe qui cherche à se réinventer après un drame, etc.
Je suis une mordue de Jobidon. J'avais adoré ses deux premiers romans, particulièrement La route des petits matins, mais aussi L'âme frère. Le recueil de nouvelles est intéressant, bien qu'inégal, mais n'a pas, m'a-t-il semblé, ce ton si unique qu'on trouvait dans les romans, cette voix poétique et impressionniste. Le récit est maintenant plus linéaire - ce qui n'est pas un mal en soi - mais m'a fait perdre certains de mes repères.
Par contre, la nouvelle Ly Sanh, qui se passe au Vietnam, a un ton un peu décallé qui remet en question le rapport entre narration et contexte sociohistorique. Difficile de croire qu'un enfant vietnamien puisse sonner aussi 'québécois', mais pourtant, j'ai trouvé ce choc intéressant, justement parce qu'il force à remettre en question certains a priori que nous pouvons avoir. Après tout, comment pense un enfant vietnamien, dans sa langue que nous ne comprennons pas? Nous n'en savons rien, et pourtant sommes prêts à avoir une idée sur la question.
Un recueil donc, qui plaira sûrement à ceux qui aimaient les thèmes de Jobidon mais se perdait dans ses disgressions plus poétiques... Et qui laissera un peu sur leur faim ceux qui, comme moi, attendent à nouveau le minimalisme de sa langue unique.
Du même auteur : La route des petits matins
Par Catherine
Extrait de la nouvelle N.Y. :
Avec le recul, il me semble que ce genre d'histoire ne peut vous arriver qu'à un seul endroit au monde: New York, l'été, l'après-midi, en plein Central Park.
- Curieux!
- Qui ça, moi?
- Non, curieux, je veux dire étonnant, étrange...
- Et qu'est-ce qui est curieux?
- Tout ça, dit-il, en faisant un vague geste de la main. La vie, c'est comme la crème glacée. Qu'on y prenne plaisir ou non, elle vous fond entre les doigts, n'est-ce pas?
Le vieil homme était venu s'asseoir à la table d'à côté, à cette terrasse de café où je suis installé, sur les berges de cet étang de Central Park. Lorsqu'il s'était approché, je l'avais regardé du coin de l'oeil: canne, canotier, complet-veston couleur sable, cravate de soie mauve, impeccable. Un homme d'autre époque, semblait-il. C'est alors qu'il commence à me parler comme ça, de but en blanc.
Éditions Vlb - 80 pages
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