Goethe appréciait l'opéra et plusieurs de ses œuvres ont été mises en musique. Malgré mon inclination pour cet art, je n'avais pas lu de roman de cet auteur avant de lire Les affinités électives, mais j'entends bien me rattraper prochainement avec Les souffrances du jeune Werther, source de Werther, un opéra de Massenet, qui passe bientôt à Paris.

Trois caractéristiques du roman m'ont frappé pendant sa lecture. Ce roman, paru au début du XIXe, est terriblement romantique. Les personnages, qui se comportent en société avec les apparences de la cordialité et de la réflexion, intérieurement bouillonnent et sont torturés par leurs passions, ce qui les conduit parfois à commettre des actes désespérés. Par ailleurs, dans ce roman, le divorce paraît être envisageable comme remède à un mariage vacillant. Les divers personnages discourent franchement de cette question et d'autres qui lui sont liées. Sans amour réciproque, le mariage est considéré comme un fardeau pour les époux, comme l'illustrent les personnages du comte et de la baronne, vieux couple en attente de légalisation, faute d'avoir pu se défaire préalablement d'époux gênants. Le curieux personnage de Courtier paraît bien être le seul ardent défenseur du mariage, prêt à rabibocher les parties de toutes sortes de différends. Enfin, ce roman nous fait découvrir les coutumes et les divers passe-temps de la société de l'époque. Nos personnages se préoccupent de l'aménagement de la campagne environnante, se distraient par la lecture, la musique ou encore l'insolite représentation de « tableaux humains ». Quelques traditions sont pittoresquement décrites, comme les célébrations et rites qui accompagnent la construction d'un nouvel édifice.

Le titre du roman est inspiré d'une analogie entre les relations humaines et les affinités que peuvent manifester différentes espèces chimiques entre elles, notamment en se recombinant suite à l'insertion d'un nouvel élément au système. L'extrait prémonitoire qui suit en est une illustration.

Par Joël

Extrait :

- Si vous ne trouvez pas que cela prend un air pédant, reprit le capitaine, je puis me résumer brièvement dans le langage des signes. Figurez-vous un certain A intimement uni avec un certain B, et qui n'en saurait être séparé par beaucoup de moyens, beaucoup d'efforts ; figurez-vous un C qui se comporte de même envers D ; mettez maintenant les deux couples en contact : A se jettera sur D et C sur B, sans qu'on puisse dire qui a quitté l'autre le premier, qui s'est réuni le premier à l'autre.
- Or donc, intervint Édouard, en attendant que nous voyions tout cela de nos yeux, regardons cette formule comme une allégorie, d'où nous tirons une leçon à notre usage immédiat. Tu es A, ma Charlotte, et je suis ton B ; car, je ne dépends vraiment que de toi seule et je te suis comme B suit l'A. Le C est évidemment le capitaine, qui, cette fois, me soustrait quelque peu à toi. Or il est juste que, si tu ne veux pas te dissoudre dans le vague, on te trouve un D, et c'est, sans aucun doute, la gente demoiselle Odile, à la venue de laquelle tu ne dois pas t'opposer plus longtemps.
- Bon, réplique Charlotte. Quand bien même l'exemple, à ce que je crois, ne s'appliquerait pas tout à fait à notre cas, je regarde comme un bonheur que nous soyons aujourd'hui parfaitement d'accord, et que ces affinités naturelles et électives hâtent entre nous les confessions. J'avouerai donc que, depuis cet après-midi, je suis décidée à faire venir Odile...


Éditions Garnier Flammarion - 382 pages