Pour résoudre ce mystère, Hervé Sard nous propose de suivre une double enquête : l'officielle, dirigée par le commissaire Czerny, et l'officieuse mené par un québécois, Nicolas, dont la mère, une autre Marie, semble cacher un passé douloureux. Tout le roman alterne entre les deux points de vue.

Très vite, comme la quatrième de couverture l'indique, le lecteur a plusieurs longueurs d'avance sur les enquêteurs. On comprend assez vite les liens qui unissent les trois Maries et l'identité du squelette retrouvé. Mais ce que l'on ne comprend pas, et qui nous tient en haleine, c'est la raison pour laquelle elle est morte. Alors, on se laisse porter dans les méandres des interrogatoires menés de chaque côté.
Hervé Sard a porté beaucoup de soin à la description de ses personnages, et il arrive à nous les rendre réels. Chacun a une personnalité bien campée, des tics de langage, des petites habitudes - le commissaire Czerny est particulièrement bien réussi. Comme dans ses précédents romans, l'écriture est fluide et il n'y a pas de temps mort. Je me suis donc laissée embarquer avec plaisir pendant les trois-quart du roman. Malheureusement, la fin m'a déçue. Comme je le disais en amorce du billet, j'ai très vite compris, tant cela m'a paru évident, qui était qui parmi les Maries, et pourquoi les enquêteurs avaient tant de mal à les identifier. Ce que j'attendais avec impatience, c'était de connaître les raisons de la mort de la victime. Or cette révélation-là est m'a semblé finalement assez anecdotique.
Malgré tout, si vous ne connaissez pas Hervé Sard et si vous aimez les polars, je vous invite à découvrir rapidement ses deux premiers romans, Vice repetita (qui a fait l'objet de nombreuses lectures sur ce site, toutes enthousiastes), Mat à mort ou Morsaline.

Du même auteur : Le crépuscule des gueux

Laurence

Extrait :

Les gendarmes n'avaient pas lambiné. Très vite, ils s'étaient intéressés à André Chevalier, un vieux grigou vivant reclus dans une bâtisse délabrée, à une cinquantaine de mètres de là. L'homme faisait un suspect parfait. Son épouse était décédée près de trente ans auparavant, d'une chute dans l'escalier. Un accident ? Il était permis d'en douter. Sa fille unique avait pris la poudre d'escampette à la même époque. Disparue sans laisser d'adresse. Rien de bien extraordinaire, sauf... Sauf qu'elle se prénommait Marie. Marie Roselyne Chevalier. M.R.C. Comme les initiales sur le butin de La Poêle. De quoi attiser la curiosité de la maréchaussée. Curiosité naturelle et louable, mais mal placée : les experts de l'Identité Judiciaire avaient vite démontré qu'il n'existait aucun lien de parenté entre André Chevalier et le cadavre calciné.
Ça ne prouve rien, pensa Czerny, les maris cocus courent les rues. Il nota mentalement d'envisager l'exhumation de madame Chevalier.
Les gendarmes n'avaient pas focalisé leurs recherche dans cette seule direction. En épluchant les cas de disparitions de jeunes femmes dans les environs, ils étaient tombés sur une certaines Marie Caron, Régine de son second prénom, elle aussi originaire de Carquefou. M.R.C., encore. Elle n'avait plus donné signe de vie depuis l'hiver 79. Mais la piste était un cul-de-sac. Même si Maxime Caron, le père de la disparue, avait cru reconnaître la gourmette et le pendentif de sa fille, les test ADN - encore eux - avaient exclu qu'il puisse être le géniteur du squelette enterré. Madame Caron avait quant à elle trouvé la mort peu après la naissance de sa fille, dans l'incendie qui avait ravagé la maternité.
Deux hommes, deux veufs, peut-être deux cocus, pensa Czerny, quoiqu'un seul aurait suffit. Mais l'exhumation de madame Caron n'était pas envisageable : elle avait été incinérée.


Éditions Krakoën - 232 pages