Pendant les 122 pages qui constituent ce récit, le lecteur est assommé par le verbiage incessant de la narratrice-coiffeuse. Pendant qu'elle coupe les cheveux du professeur, elle soliloque, remplit le salon de coiffure d'une logorrhée indigeste et sans intérêt.

Monsieur le Professeur se garde d'ailleurs bien de l'interrompre, et laisse le lecteur prisonnier de ce piaillement superficiel. Car la coiffeuse a plein de choses à dire, pour notre plus grand malheur : son passé, ses amants, ses clients, les ragots etc. Entre souvenirs, jugements à l'emporte pièce, remugle d'intolérance et de racisme, elle saute du coq à l'âne, se répète (une fois, deux fois, dix fois...).

Si l'auteur voulait démontrer ici la vacuité des conversations de salon de coiffure, ma foi, il a parfaitement bien réussi, mais le lecteur, loin d'être aussi stupide que sa protagoniste, n'a pas besoin que la démonstration s'étale sur 122 pages. Cinquante pages au plus auraient suffit. La quatrième de couverture annonce que "sous l'apparente banalité des propos, l'auteur effleure avec humour des questions essentielles". De questions essentielles, je n'en ai vu la moindre traces, même effleurées. Si je n'ai pas abandonné la lecture, c'est que non seulement - et heureusement - ça se lit très vite, mais que surtout, je m'attendais à ce que la fin du récit apporte un nouvel éclairage, une conclusion qui justifie ce bavarde stérile. Mal m'en a pris, le récit se clôt comme il a commencé, par des propos totalement futiles. Je veux bien croire l'éditeur quand il dit que Lars Gustafsson est "l'un des prosateurs les plus remarquables de la littérature suédoise", mais ce n'est pas avec ce roman qu'il en fait la démonstration.
Finalement, ce roman aura eu pour seul avantage, de me rappeler pourquoi je ne mets jamais les pieds dans un salon de coiffure.

Laurence

Extrait :

VRAIMENT ? vous avez froid ? Le juge Caldwell l'a toujours dit. On devient plus frileux, lorsque...
En fait, non. Je me souviens plus très bien de ce qu'il a dit. Les cheveux vous conviennent-ils ainsi, sur le front ?
Ah bon? Alors c'est exactement l'année où je suis née. N'est-ce pas étrange, du reste, que toute cette affaire se soit terminée à Paris ? Alors qu'il y a tant d'autres villes au monde. Qu'est-ce que la guerre du Vietnam avait à voir avec Paris ?
Oui ? Vraiment ?
Une guerre française, dans une colonie française ?
Et pendant plusieurs décennies ?
Mais alors, on comprend encore plus difficilement ce que nous autres nous avions à y faire. Je crois que la Deuxième Guerre mondiale est quelque chose que l'on peut comprendre. Même si on avait pu arrêter Hitler plus tôt, à mon avis. La Première Guerre mondiale était tout à fait stupide. J'ai demandé à des professeurs de me l'expliquer, mais je n'ai jamais obtenu une explication plausible. Elle était peut-être compréhensible où elle a eu lieu. Mais je ne le pense pas.
D'ailleurs j'ai vu à la télé, ces jours-ci, que pendant la durée de la guerre du Vietnam, il y a eu aux États-Unis plus de femmes mortes du cancer du sein que de soldats tués à la guerre. Surprenant, non ? [...]


Éditions Joëlle Losfeld - 122 pages