Marie Gouze, fille naturelle du marquis de Pompignan, se fait appeler Olympe de Gouges quand elle décide de quitter Montauban et de monter à Paris. Dans les prémices des troubles qui annoncent la Révolution, elle rencontre moult personnages importants, écrivains, gens de la bonne société, aura de nombreux amants - rien d'étonnant dans cette société si libertine de l'époque - et notamment et pas des moindres, le richissime duc d'Orléans, le futur Philippe Egalité. Excusez-là du peu ! Elle luttera avec énergie, esprit, pour voir ses pièces de théâtre aux idées révolutionnaires prônant la liberté, l'égalité pour tous - femmes et noirs inclus - jouées à la Comédie (française) ou aux Italiens. Mais ceci n'est pas aisé dans une société où la place des femmes est cantonnée aux salons dans la meilleure société, à la cuisine ou les champs dans d'autres. Elle va se battre, aller jusqu'au bout de ses convictions ce qui l'amènera à froisser quelques susceptibilités haut placées et la conduire au pied de la guillotine. On ne brocarde pas Robespierre au moment de la Terreur sans en payer le prix fort.

C'est le portrait que nous peint Michel Peyramaure dont j'ai eu grand plaisir à retrouver le style. Ces romans sont toujours bien écrits, bien étayés historiquement. La vie de cette femme pleine de conviction est fort intéressante et l'auteur la déroule sur un rythme bien enlevé. Ce qui ne nuit pas surtout quand on décrit les moments forts de la Révolution et le caractère pétillant du personnage.

Pourtant, pourtant, je n'ai pas totalement adhéré à cette lecture. Même si on sent que l'auteur, habitué aux romans historiques, a fait les recherches nécessaires, j'ai trouvé le tout pas assez fouillé à mon goût. Selon moi, M. Peyramaure n'est pas assez entré dans le détail des écrits d'Olympe. Quand on connaît déjà cette période de l'Histoire, quand on connaît un peu le personnage principal, on s'attend à ce que l'auteur creuse un peu plus, s'attarde un peu plus sur le contenu des idées de liberté, d'égalité, les arguments contre l'esclavage avancés par Olympe de Gouges. J'avoue que je suis restée sur ma faim. Peut être attendais-je des développements sur les concepts et arguments juridiques, philosophiques qui fondent la Déclaration des droits de la femme et la défense des nègres, la lutte contre l'esclavagisme. Même chose sur ses écrits pour le théâtre. On fait la liste des oeuvres écrites mais on entre pas dans le détail des pièces. Rien n'incite à vouloir dénicher ces textes pour les lire par la suite. Bref, tout ce qui fait qu'Olympe de Gouges est une femme remarquable passe trop vite, est effleuré. Avec cette lecture, on sait qu'Olympe a milité avec d'autres personnages illustres de cette époque, entre autres N. de Condorcet. Mais c'est tout. On reste en surface.

A n'en pas douter c'est un livre intéressant pour qui ne connaît rien sur cette époque de la Révolution et qui permet d'en apprendre un peu plus sur cette femme Le journal d'Olympe, écrit lors de son emprisonnement avant son exécution, retranscrit par son amie et secrétaire, Justine, est entre-coupé du récit de la vie de ladite Justine après la mort d'Olympe. Ce qui ajoute à mon sentiment qu'Olympe n'est finalement pas le personnage principal. A mon sens, elle n'est que le prétexte pour parler de façon plus large de la Révolution, de la Terreur. De plus, l'auteur s'attarde un peu trop sur l'aspect libertin de cette époque. Cette femme a eu des amants. Et alors ! Ce n'est à mon sens pas l'essentiel chez elle.

Bref, pour quelqu'un qui veut un petit tableau de l'époque et du personnage, c'est un bon roman, attrayant, divertissant. Une bonne mise en bouche. Pour ma part, j'aurai aimé quelque chose de plus consistant. J'attendais un autre roman. Finalement, la belle Olympe garde tout son mystère.

Dédale

Extrait :

Je suis née à Montauban au mois de mai 1748, sous le règle du roi Louis XV, qui fut le « Bien-Aimé » une partie de sa vie et détesté sur sa fin, du fait de son indifférence aux affaires du royaume et de ses turpitudes séniles.
Les canons s'étaient tus aux frontières. La guerre dite de Succession d'Autriche, qui durait depuis huit ans, avait touché à son terme, les belligérants étant exsangues. J'aime à penser que l'ange de la Paix, penché sur mon berceau, augurait favorablement de ma vie.
Des premières années de mon enfance, dans ma maison de famille, une boucherie de la rue Fourchue, je garde des images de souffrance et de mort. Mon frère et son commis assommaient les animaux, les saignaient, les écorchaient dans l'arrière-cour, sous ma fenêtre, et j'étais réveillée chaque matin par leurs plaintes.
En dépit de son caractère abrupt, mon père, Pierre Gouze, avait fait, avant sa mort prématurée, une honorable renommée à notre boutique, en ville et dans la campagne d'où il ramenait ses victimes. Le couple qu'il avait formé avec Anne-Olympe, fille d'un cardeur de drap, avait marché cahin-caha à ce qu'il semble, ce que devait confirmer, le jour de mon baptême, l'absence de mon père : il avait appris peu de temps avant que l'enfant que l'on baptisait n'était pas le sien.
Je compris, quelques années plus tard, que j'étais l'enfant adultérin d'un marquis et d'une femme de boucher. L'enfant de l'amour. Une bâtarde.


Éditions Robert Laffont - 312 pages