Ici l'image d'une sortie de métro pousse les mots vers ce moment de renaissance où se détache un coin de ciel bleu après plusieurs minutes de sous-terrains. Ici les dames de fer qui réchauffent les terrasses, les chauffragettes, sont à l'honneur par leurs courbes et leur poésie. Ailleurs ce sont les rampes et les enfants qui y jouent, ou encore les jeux dans les bassins, ou les magies des marchés.

Difficile de résumer davantage ce bel ouvrage en 34 tableaux. Si par moment, les choix des thèmes semblent un peu moins 'parisiens' par essence, ils sont toujours, incontestablement, émouvants et personnels à chacun. Comme une série de madeleines de Proust qu'on peut savourer à notre aise. L'adéquation entre photos et mots est superbe et donne envie à chacun de se prêter à ce jeu où se mêlent les uns et les autres.

J'ai reçu cet ouvrage en cadeau de quelqu'une qui souhaitait que je reparte chez moi avec des bouts de Paris au cœur. Je l'ai lu dans l'avion et déjà, je savourais les beaux souvenirs de l'unique lumière de cette ville qui en porte le nom.

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Par Catherine

Extrait :

Une allégresse

Il y avait quelque chose dans l'air, ce matin-là. Ça ne s'explique pas. Ça vient deux fois par an, peut-être, au début du printemps souvent, et quelquefois à la fin de l'automne. Le ciel d'avril était léger, un peu laiteux, rien d'extraordinaire. Les marronniers ne déployaient qu'avec parcimonie leurs premières feuilles sucrées. Mais elle l'avait senti dès les premiers pas sur le trottoir, avant même d'enfourcher sa bicyclette. Une allégresse. Pas le jaillissement de la joie, pas le battement de coeur toujours un peu anxieux du bonheur. D'ailleurs, ça ne venait pas d'elle. Les kiosques à journaux, les bus, les bancs, et même l'éclat presque framboise du feu rouge, à l'angle du Boul'Mich: tout vibrait d'une satisfaction légère - la rumeur du trafic swinguait comme une chanson de Trenet.

C'était bon de pédaler, sans cette affectation de volupté cyclopédique qu'affichent souvent trop ostensiblement les citadines déhanchées sur leur selle. Non, ça venait de l'intérieur, et c'était à tenir là, mezza voce, cette sensation précieuse que tout était juste, et qu'elle bougeait simplement en harmonie dans cet accord. En descendant de sa bicyclette, en s'accroupissant pour attacher l'antivol à la grille du marronnier, elle s'arrêta un instant pour regarder à ses pieds le reflet du soleil sur la plaque de métal. Comme s'il y avait un secret là, dans cette humilité de la grille adoucie par le passage de tant de pas, et qu'un éclat de lumière attiédissait. Les choses ont du bonheur, parfois - de l'allégresse.


Éditions Fayard -  160 pages