Le contexte: un récital de musique contemporaine organisée par la Société de musique contemporaine du Québec. Laurent, le pianiste, traverse une crise et remet sa carrière en question tandis que le compositeur, Jean, est dévoré par le stress. La serveuse Sophie souhaiterait demander conseil à son ami Antoine, qui, puceau, est toujours aussi troublé par la présence des jolies jeunes femmes autour de lui. Le placier Charles est moins timide, mais pas toujours très habile pour la drague, tout comme l'esthète, le vieux Bernard.

Il ne s'agit même pas d'un résumé puisqu'il n'y a a pas vraiment de résumé à faire. Les voix s'entremêlent dans une construction non chronologique assez intéressante. Chaque personnage prend la parole et partage ses réflexions sur la musique, la carrière, l'amour, la création et surtout sur les êtres humains qui l'entourent.

Le grand intérêt de ce livre, outre son écriture absolument maîtrisée, réside dans ses regards croisés entre les différents protagonistes qui jettent un oeil les uns sur les autres. Intéressant ce regard croisé parce que les silences - tout ce qui ne se dit pas entre les personnages - font la lumière sur cet acharnement que nous pouvons mettre à ne pas nous comprendre.

Le récital m'est apparu assez cérébral. J'ai compris - sans le comprendre vraiment parce que je ne connais rien au langage musical... - que la construction s'apparente à une construction musicale. Je n'ai pas vraiment été touchée par ces personnages - mais était-ce le but? -, mais j'ai été intéressée par l'exercice de style. Seul bémol, certains personnages - particulièrement celui de Bernard, le vieil esthète homosexuel entouré de jeunots -  me sont apparus un peu convenus dans certains de leurs traits de personnalités.

Par Catherine

La Recrue du mois est une initiative collective qui met en vedette le premier ouvrage d’un auteur québécois. Pour lire les autres commentaires sur ce livre vous pouvez donc vous rendre sur le site de La recrue du mois

Extrait :

Bernard, l'Esthète
21 heures

- Bravo!

C'était assez bien. Le tout début du premier mouvement manquait un peu de conviction, d'énergie, de contrastes, mais dans l'ensemble, c'était très honorable. J'applaudis. Le pianiste est déjà revenu sur scène plusieurs fois. Le public devrait malgré tout se calmer un peu, garder de l'énergie pour la fin du concert. Nous n'en sommes qu'à l'entracte, après tout. Le public montréalais est trop chaleureux, à mon avis. J'ai toujours l'impression que son enthousiasme n'est pas tout à fait sincère, ou, s'il est sincère, qu'il n'est pas vraiment réfléchi. Je crois bien que si je demandais à mon voisin pourquoi il applaudit si fort et si longtemps, il serait fort embarrassé de me répondre. À Montréal, au concert, on applaudit d'abord par habitude et ensuite pour être aimable. «Ces pauvres musiciens, ils travaillent si forts...» Il est loin, le temps où on huait au concert, bien loin.

Je cesse d'applaudir. Le pianiste est sorti de scène, pour de bon, je crois. En effet, les applaudissements s'éteignent rapidement. C'est l'entracte. Je me lève et me dirige vers la sortie.


Éditions Léméac -  148 pages