Les avis des autres membres du jury

La petite cloche au son grêle est le premier roman de Paul Vacca. Les premières pages nous plongent aussitôt dans une atmosphère et un décor enchanteurs. Le narrateur est un jeune garçon qui vient de mettre la main sur un livre parfumé d'iris abandonné par la femme de ses rêves. Ce livre est le premier volume d'À la recherche du temps perdu. Pendant les cinq actes qui constituent le roman, Proust et ses personnages ne vont plus quitter le narrateur et son entourage.

La petite cloche au son grêle sonne lorsque quiconque entre dans le débit de boissons de Paola et Aldo, les parents du narrateur. Le garçon découvre le plaisir de la lecture, les premiers jeux de la séduction alors que le père s'interroge : à trop lire Proust, son fils ne risque-t-il pas de devenir inverti ? La mère s'enthousiasme pour l'intérêt nouveau de son fils pour la littérature ; quoi qu'en pense sa maudite professeure de français, il sera écrivain. Le narrateur utilise la deuxième personne pour désigner sa mère. Leur tendresse réciproque cache des souffrances dont les lettres peuvent-elles être le palliatif ?

Bien qu'il nous fasse ballader en compagnie de ses personnages, l'auteur ne nous égare pas avec des anecdotes inutiles ou des détails superflus. L'histoire est centrée sur le cheminement des sentiments du narrateur. Il s'exprime avec une simplicité charmante, souvent naïve. L'alliance de l'atmosphère toute particulière que le début du roman a créée et de cette candeur du narrateur donne à ce roman la parure du conte. Il va sans dire que les conditions sont réunies pour procurer de bons et émouvants moments de lecture.

Je préfère ne pas m'épancher davantage pour prévenir le risque de gâcher votre plaisir en en disant trop si jamais vous choisissiez de lire ce roman, qui a fait l'objet d'autres commentaires enthousiastes sur de nombreux blogs littéraires (voir par exemple chez Sylire).

Retrouvez sur Biblioblog notre chronique de Nueva Königsberg et l'interview que Paul Vacca nous a accordée

Joël

Extrait :

Ce soir-là, contrairement à mes habitudes, je file dans ma chambre sans tarder. Je ferme les volets, allume ma lampe magique, plongeant la pièce dans une ambiance bleutée et irréelle, presque aquatique. Confortablement installé dans mon lit, calé contre mes oreillers, j'ouvre le tiroir de ma table de chevet et saisis le livre.

Je le contemple, fasciné, en caresse la couverture pâle, douce comme la peau. Je l'ouvre et plonge mon nez au cœur des pages qui enferment encore son parfum. Maintenant, oui, je sais à quoi ressemble l'odeur de l'iris.

Puis je le feuillette au hasard, intrigué par la typographie dense. Un frisson me parcourt. Ce n'est pas un livre, c'est son livre. Ce ne sont pas que des phrases, ce sont les phrases qu'elle a lues, son regard les a parcourues, sa bouche les a prononcées. Ces lignes pleines et serrées, je ne cherche même pas à en percer le sens. Je sais avec certitude qu'elles renferment ce qui lui plaît. Je sens que j'ai sous les yeux la clef qui me permettra, enfin, de pénétrer dans le monde mystérieux des femmes.

C'est vertigineux. Mon regard se trouve absorbé par ces longues phrases et je me laisse emporter par leur courant sinueux, grisé par tous ces mots inconnus qu'elles charrient.

Éditions Philippe Rey - 182 pages.