D'abord en quête d'un petit boulot (comme agent de sécurité, par exemple) Robocop rencontrera rapidement d'autres démobilisés et constatera que si la guerre est théoriquement finie, d'autres guerres se livrent encore, opaques et secrètes, dans un pays déchirés entre des factions rivales. Il tentera de trouver son chemin, passant d'une faction à l'autre, pour finalement aboutir là où on ne l'attendait pas, mais dans une vie toujours marquée par la violence et le meurtre.
Narrée par le personnage principal, cette histoire est d'une extrême violence, mais d'une violence détachée parce que vue par la lorgnette de quelqu'un qui ne connaît rien d'autre. La plume d'Horacio Castellanos Moya permet une description dépouillée des pires horreurs, description qui, à sa façon, ajoute à l'horreur parce qu'elle démontre combien tout cela peut paraître naturel. Au plan politique, le récit est aussi intéressant parce qu'il rappelle combien les conflits du tiers-monde sont pilotés par quelques têtes, financés par des puissances étrangères et subis sur le terrain par tous et chacun. Dans ce récit, même les innocents ne sont jamais trop loin du crime.
C'est un roman étonnant qui ne m'a pourtant pas bouleversé. Comme si, à force d'être détachée, la narration nous poussait dans des confins sans émotion. Impossible de s'attacher à ce personnage qui, de toute façon, ne cherche pas à se faire valoir. Il n'y a pas ici de méchant pétri de paradoxes comme on peut en voir dans certains récits de gangsters. Robocop est un mercenaire et il tue sans poser de questions parce que c'est tout ce qu'il sait faire.
Intéressant donc pour ceux qui s'intéressent à cette région du monde et pour ceux qui sont intrigués par les façons de mettre la violence en lettres.
Du même auteur : Le bal des vipères
Par Catherine
Extrait :
Les gars du peloton m'appelaient Robocop. J'ai fait partie du bataillon Acahuapa, des troupes d'assaut, mais, la guerre finie, on m'a démobilisé. Alors je me suis retrouvé comme l'oiseau sur la branche: à moi je n'avais que deux fusils AK-47, un M-16, une douzaine de chargeurs, huit grenades à fragmentation, mon pistolet neuf millimètres et un chèque équivalent à trois mois de mon salaire, qu'on m'a donné comme indemnité.
Je suis arrivé au grade de sergent grâce à mes qualités; mon école a été la guerre. Les instructeurs américains m'ont apprécié: ils m'ont envoyé une fois au Panama, suivre un cours intensif d'un mois; une autre fois je suis allé à Fort Benning pendant deux mois, suivre un entraînement destiné aux gradés et aux sous-officiers. Mais quand le temps de la démobilisation est arrivé, quand nos chefs et les terroristes se sont mis d'accord, on m'a jeté à la rue. Pas de la même manière pourtant que le reste des hommes, à qui on n'a même pas dit merci. Nous, nous formions le corps d'élite, c'était nous qui étions les plus craints, qui avions stoppé et fait reculer les terroristes partout où nous les avions affrontés. Voilà pourquoi la démobilisation de notre bataillon a été un événement solennel qui a eu lieu en présence du président de la République, du ministre de la Défense et d'autres hautes autorités; il y a eu un défilé, un passage en revue des troupes, des tirs d'artillerie et des discours où l'on reconnaissait notre intrépidité, le courage dont nous avions fait preuve pour la défense de la patrie, ce que nous signifiions pour les forces armées.
Éditions Les Allusifs - 123 pages
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