A la fin d’une vie bien remplie, Arthur Hobhouse décide d’écrire ses mémoires : lui, l’orphelin déraciné voudrait laisser à sa famille une petite trace, un souvenir. Né à Londres vers 1940, il est exilé à l’âge de six avec des dizaines d’autres orphelins vers l’Australie, « mais cela aurait aussi bien pu être la lune ». Mais la terre de l’espoir pour tous ces misérables enfants s’avère être infernale. Placé dans un ranch, il ne devient rien moins que l’esclave d’un fermier illuminé, surnommé Piggy Bacon, qui frappe les enfants et les exploite. Quand il parvient à s’enfuir avec son ami Marty, c’est pour trouver la paix dans l’Arche, maison de la très fantasque Megs Molloy : « cet endroit grouillait d’animaux de toutes les espèces imaginables : chèvres, moutons, deux cochons, un âne à l’air mélancolique appelé Barnaby, trois vaches laitières et leurs veaux, et, bien sûr, toute sa famille d’animaux sauvages. » Mais le bonheur ne dure qu’un temps, et à vingt ans passés, Arthur devra quitter l’Arche pour les chantiers navals, la mer et une vie bien plus difficile.
Quand Arthur, à l’article de la mort, met un point final à son récit, c’est celui d’Allie, sa fille, qui prend le relais. Parce qu’elle est un marin expérimenté, elle décide de partir en Angleterre à la recherche de Kitty, la sœur d’Arhur qui, sur le quai du port de Liverpool lui a donné une clé porte-bonheur qui ne l’a jamais quitté. Fantasme ou véritable souvenir cette sœur ? Allie va traverser à bord du Kitty IV la moitié du globe pour s’en assurer et raconter elle aussi son histoire.
 
Aucun misérabilisme dans ce livre, aucune facilité de narration, juste la vie d’un homme qui va mourir et souhaite raconter simplement ce que fut sa vie. Originale bien sûr, car l’Australie est une terre mystérieuse, souvent hostile, mais aussi sincère en amitié et débordante d’amour.
L’écriture est très simple et pourtant émouvante car Michael Morpurgo a su donner à l’histoire de cet homme une grande densité historique et émotionnelle. Le calvaire des enfants du ranch Cooper est particulièrement saisissant et n’est pas sans évoquer une certaine veine dickensienne.

Vous pouvez également voir une interview vidéo de l'auteur dans laquelle il évoque ce roman.

Ys

Extrait :

Quel que fût notre travail aux quatre coins de la ferme, nous pouvions être sûrs que Piggi Bacon arriverait tôt ou tard. Il apparaissait soudain, sortant de nulle part. Il ne venait que pour une raison : reprocher quelque chose à quelqu'un. Chaque fois, j'espérais, je priais qu'il s'en prenne à quelqu'un d'autre qu'à moi. Mais mon tour finissait toujours par arriver. Soit nous ne travaillions pas assez vite, soit nous ne travaillions pas assez dur. Un seau d'eau n'était pas assez plein, une pierre n'avait pas été ramassée dans un champ – tous les prétextes étaient bons. Il ne nous administrait pas de correction sur le moment. Il nous disait combien de coups nous coûterait notre faute, puis il nous laissait y penser toute la journée. L'attente était la pire des tortures.
La séance punitive avait lieu le soir devant la cabane-dortoir, juste avant le dîner et avant d'être enfermés pour la nuit. Il nous faisait venir devant les autres et prononçait sa sentence exactement comme un juge. On restait là, les mains tendues, tremblants, au bord des larmes. Cela nous arrivait à tous, et fréquemment. Personne n'y échappait.


Éditions Gallimard Jeunesse - 294 pages
traduit de l'anglais par Diane Ménard