Une jeune femme ne sait comment se sortir de la pesanteur de la vie. Son petit garçon de deux ans ne parle et ne marche toujours pas. Pour en finir avec une vie sans intérêt elle imagine le suicide parfait. Glisser dans la baignoire en faisant croire à un accident pendant qu'elle changeait le rideau de douche. Elle ne se fait pas trop de souci pour son petit. Il sera pris en charge par une cousine. Il vivra dans une famille normale.
Mais voilà ! Rien ne se passe comme prévu depuis sa première discussion avec son voisin. Elle sur son balcon, lui assis à califourchon sur le mur mitoyen.

La narratrice trouvera une raison de vivre en cuisinant le petit déjeuner pour le fils de son voisin et en parcourant avec lui la ville sous un soleil de plomb où rien ne bouge, à la recherche d'autres enfants pour jouer. Le petitou prononcera ses premiers mots à chaque apparition du voisin. Si vous avez déjà lu Mal de pierres et Battement d'ailes, vous retrouverez sans mal le style aérien, presque onirique de Milena Agus. Ses mots flottent dans l'air avec une légèreté délicieuse que même le soleil de Sardaigne n'arrive pas à étouffer. J'aime ces personnages hors de la norme, toujours dans leur petit monde à eux.

Voilà une petite lecture légère, fraîche comme un joli conte, délicieuse comme un doux rêve lors d'un après-midi d'été.

Dédale

Extrait :

Le voisin, elle l'avait rencontré un jour alors qu'avec son petit elle rentrait de promenade. Il était très beau. Et ensuite, toujours à la même heure. Elle arrêtait la poussette et le fixait sans retenue. Mais lui ne les voyait pas, même quand la rue était vide.
Il habitait la maison de l'autre côté du mur, et maintenant,quand elle emmenait son fils faire un tour, elle passait toujours par là. Ensuite ils montaient par les ruelles en pente, encaissées entre les murs, et débouchaient dans la lumière aveuglante de l'Esplanade, une avenue où on aperçoit tout Cagliari. Ils s'installaient sous un palmier, en surplomb de leur petit immeuble décrépit, qui était le plus moche, mais le plus beau aussi, parce qu'il y avait le jardin de la maison d'en face, avec sa végétation enchevêtrée qui formait un tapis sous son balcon à elle, au premier étage, la tenant comme suspendue en l'air quand elle s'y penchait.
La maison du voisin restait cachée même de à-haut, de l'Esplanade, les frondaisons des arbres recouvraient tout, et là où elles s'éclaircissaient par instant émergeaient le blanc, le rose, le jaune des arbres fruitiers. Du mur descendaient, s'ouvrant un chemin entre les tessons de bouteille, les branches de lierre et les grappes violettes de glycines. Elles ne se lassait pas de rester là, émerveillée, espérant toujours entendre la voix de ce voisin si beau. Mais seuls les oiseaux chantaient.


Éditions Liana Levi - 52 pages