Lorsque Marc Sénac retrouve Ann après plusieurs années de silence, elle est âgée, malade et attend la mort cloîtrée chez elle. Après pas mal de discussion et de mise au point, il arrive à la convaincre de subir une transmnèse vers le corps d'un baleineau afin d'aider la recherche concernant l'écologie marine. La conscience d'Ann sera donc copiée et intégrée à celle de l'animal, mort depuis peu, afin que le transfert se fasse sans problème.
Commence alors pour Ann une aventure sans précédent.
Elle qui a toujours défendu l'univers marin, parfois de manière extrémiste, va enfin pouvoir contribuer à sa compréhension en faisant parvenir à l'organisme de Sénac des informations de première main, notamment sur les cétacés.
Alors qu'elle marque ses congénères d'une toxine, simplement en se frottant à eux, elle rencontre celui qu'elle va baptiser 2x2x2. Il va lui faire découvrir le Continent Cétacé et ensemble ils vont mettre à jour un important trafic mené par des humains sans scrupules.
Il s'agit ici non d'un roman, mais d'une Novella. Donc, un court roman. Ou une longue nouvelle...
Écrit par un auteur français, ce texte a reçu déjà deux prix importants dans le monde de l'imaginaire (Prix Julia Verlanger 2008 et Grand Prix de l'Imaginaire 2009 en Nouvelle Francophone). Et selon moi, il les mérite amplement. C'est un récit d'anticipation rondement mené, très agréablement écrit avec des personnages bien trempés (peut-être un peu trop, éventuellement).
J'ai suivi avec intérêt l'aventure d'Ann dans le corps de cette baleine, devant réapprendre tous les automatismes liés à sa nouvelle condition, dont le langage. Avec les réflexions d'un adulte dans le corps d'un enfant.
Petit à petit, après le premier élément de surprise passé, on s'habitue au style de l'auteur, entre le voyage d'Ann et les flashback sur sa formation préalable, les informations sur la mnèse et l'histoire personnelle de Marc Sénac. Le tout reste très cohérent et d'une grande richesse.
J'ai particulièrement apprécié le débat écologique soulevé concernant la chasse illégale et la consommation de baleine dans divers pays du monde. Malheureusement, l'homme est homme, prédateur indifférent à son environnement, plus souvent enclin à le détruire qu'à le préserver. Pas de langue de bois ni de sentimentalisme malvenu ici. De toute façon, en un peu moins de quatre-vingts pages, il n'y a pas le temps de développer ces aspects...
C'est après avoir lu les critiques faites sur plusieurs blogs que j'ai connu l'existence de ce texte et cherché à le lire. Avec un grand plaisir, devrais-je préciser...
Pourtant, je suis également assez d'accord avec certaines remarques lues notamment ici. Surtout en ce qui concerne le caractère d'Ann, en fait. Pour connaître une ou deux personnes avec ce penchant dictatoriale affirmé envers leurs proches, je dois avouer que parfois la main me démangeait. Mais au contraire, ça a renforcé mon attention sur la lecture, voulant savoir comment l'auteur jouerait ce personnage jusqu'au bout.
Pour conclure, une très bonne lecture, un bel ouvrage avec une couverture superbe et une histoire qui m'a intéressé. Je pense que je vais le faire voyager...

Par Cœur de chene


Les critiques qui suivent ont été mises en ligne le 30 juin 2009 à la suite du "Prix Biblioblog 2009"


Ce n’est pas que ce soit mal écrit. Les personnages sont assez attachants, malgré leur «caractère bien trempé», mais ce type d’histoires ne me dit rien. J’ajouterais que certaines réflexions concernant la ‘pensée’ des cétacés (2X2X2 qui reconnaît l’âme de la femme derrière le cachalot mâle ou encore Ann qui tente de lui expliquer la notion de crime) m’ont grandement agacée. Moi et l’anthropomorphisme, on n’est pas de grands amis.
Cela dit, c'était quand même sur les baleines, et comme j’adore les baleines, j’ai passé un bon moment.

Catherine

L'idée de départ est intéressante même si je n'ai pas vraiment tout compris de la technique de transmnèse, de transfert de conscience d'un cerveau à une autre. Mais qu'importe, c'est le voyage dans les fonds marins, la vie des cétacés qui m'a vraiment accroché.
Alors pourquoi ne placer cette histoire qu'en cinquième position ? Eh bien parce que je suis restée sur ma faim, j'aurai vraiment aimé que cette aventure dure beaucoup plus longtemps. Pour moi, il s'agit plus d'une nouvelle un peu longue que d'un vrai roman. Comme pour les fingers de Cadsbury, j'aurai aimé en avoir encore un peu plus. Et puis j'ai eu un beau haut-le-coeur au passage de la découverte du contenu des containers transbordés par les « méchants ». Là, j'ai pas tenu.
Une très bonne histoire avec une idée intéressante sur fonds d'écologie et de sauvegarde des fonds marins, de l'impact des activités humaines sur l'environnement mais pourquoi donner à l'héroïne un tel caractère de cochon ?? Une vraie harpie !! Ce n'est pas franchement l'essentiel me direz-vous. Certes, mais cela agace tout de même un peu. Je me dis qu'au final, revenir à la vie dans le corps d'un cachalot lui a un peu adouci le caractère.

Dédale

Malgré mon aversion pour ce genre, j'ai apprécié cette lecture, qui est rythmée par l'alternance entre le récit fait du point de vue d'Ann et la narration de Sénac. Les astérismes sont non seulement des signes que le point de vue va changer mais aussi que le suspense et la tension vont monter.
Je n'ai pas été convaincu par l'élément continent de la novella (je veux dire qu'avec la transmnèse, il y avait déjà suffisamment d'invention science-fictionnelle à mon goût) ; cela dit, un petit clin d'œil mythologique a su atténuer mes réticences.

Joël

À l'heure où tout le monde s'inquiète du devenir de notre planète, La vieille dame et le continent de façon intéressante et poétique. En choisissant le registre de l'anticipation, Jeanne-A Debats nous transporte dans un univers qui nous semble à la fois proche et éloigné, ce qui permet une prise de conscience tout en nous offrant un récit original et onirique. J'ai suivi avec plaisir cette vieille dame au fond des océans, d'autant que l'écriture de Jeanne-A Debat est tout à fait séduisante. Pourtant, il m'a manqué un trois fois rien pour que cette lecture soit réellement marquante. Peut-être, la forme de la novella est trop courte pour pouvoir proposer une réflexion pleinement aboutie. Je garde donc de cette lecture un bon souvenir, mais pas de réelle révélation.

Laurence

Ce livre, qui fut somme toute une lecture relativement intéressante, dénonce la chasse aux mammifères marins, baleines, rorquals, etc. Il met en scène un futur proche où il est possible de cloner les êtres humains et de transplanter un esprit. Dans ce futur, Ann Kelvin, sur les conseils de Marc Sénac, va choisir de transplanter son esprit dans le corps d’un baleineau, afin de mettre en place un plan de sauvetage des baleines. Il s’agit de les contaminer avec une sorte de poison qui les rend impropre à la consommation. Alors qu’elle met son plan en pratique, elle fait la connaissance d’un autre mammifère, 2x2x2, qui lui apprend ce qu’elle a du mal à maîtriser.
Une des choses qui font que ce livre m’a plu, c’est l’absence de langue de bois. Ce livre dénonce clairement la chasse aux mammifères marins et il le fait d’une manière originale, qui amène le lecteur à réfléchir. En orientant son récit sur le point de vue supposé d’un baleineau, en essayant d’imaginer ce que c’est que de vivre dans la peau de ces animaux qui sont chassés sans vergogne par des personnes peu scrupuleuses, l’auteur amène le lecteur à se poser plus de questions, voire à réagir. Je ne pensais pas que j’aimerais ce roman en le commençant, car le personnage principal d’Ann Kelvin m’horripilait vraiment. Pourtant, je me suis surprise à avoir envie de tourner les pages, savoir comment cette histoire allait se terminer. Finalement, c’est un livre qui m’a plu et qui a éveillé en moi des instincts de protection de la vie…

Pimpi

Plongée dans la science-fiction écologique avec cette nouvelle de 70 pages. J’ai été gêné dans les premières pages par un vocabulaire assez technique, avant de plonger avec Ann Kelvin au fond des mers. Récit à deux voix qui finissent par se rejoindre, la construction est intéressante, et la réflexion sur les usages de la technologie est bienvenue, avec l’introduction de cette méthode inquiétante de transfert d’esprit. L’ensemble reste néanmoins un peu court à mon goût pour mêler à la fois tenants et aboutissants de cette technologie, et intrigue avec péripéties. Un ouvrage intéressant, qui mériterait presque une suite.

Yohan


Extrait :

Elle avait choisi le corps d'un très grand mâle.
À son âge, elle ne tenait pas à assumer les conséquences du rut dans la peau d'une femelle dont le partenaire atteindrait les quarante tonnes en moyenne. En milieu aquatique, qui plus est, alors qu'elle n'avait déjà guère d'expérience à l'air libre. Et le peu qu'elle avait n'était pas vraiment concluant, c'était le moins qu'on puisse dire.
Le docteur Ann Kelvin chassa ses vains regrets par son évent. Un geyser d'air et d'eau d'une demi-douzaine de mètres emporta les rêves rapiécés et le romantisme suri qui avaient survécu à quatre-vingts années parmi les hommes. L'animateur du Marineland assis en tailleur sur le rebord d'émail bleu en fut trempé jusque dans ses sandales. En cette fin mai, c'était une douche assez fraîche, mais il rit et agita sa casquette avec enthousiasme tandis que les premières vannes s'ouvraient.
La nageoire caudale du grand cachalot battit avec douceur les vagues qui arrivaient dans la piscine. Devant lui, les écluses s'emplissaient une à une, et l'odeur des eaux du large lui parvenait de plus en plus forte, de plus en plus attirante. La peau épaisse et blanche, qui l'avait fait appeler évidemment Moby Dick pendant la première partie du séjour – jusqu'à ce que le responsable du projet s'avise des résonances sinistres et péjoratives de ce surnom –, frissonna lentement, une petite vague de rides qui parcourut dix-huit mètres de la queue puissante à l'énorme tête en forme de rostre. Ann ouvrit la gueule et laissa le goût des créatures marines et des carburants dégazés emplir la vaste ouverture ceinte de dents impressionnantes.
Oh, Seigneur, rien que pour cela, ce goût de sel et d'algues explosant dans sa bouche en étincelles minuscules et brûlantes de vie, rien que pour cela, vraiment, elle avait eu raison de dire oui !


Éditions Griffe d'Encre, Collextion Novella - 77 pages