Dans ce recueil de poèmes, il y a La sirène en dansant a laissé par mégarde / tomber un morceau de chocolat anglais, et nous fait glisser dans la rêverie. Il y a des odes aux amours passées, présentes ou rêvées. Le poète nous dit combien on est fait de quelques blessures et de regrets / fêlures plus ou moins cachées et que nous ne sommes à l'abri de rien. Il s'interroge sur Ce que le bonheur a fait de nous. Mais que finalement, il faut :

Ne plus retenir
La terrible envie
D'une vie légère

C'est combien de temps
C'est peut-être en soi
Seulement, peut-être
Cette liberté
D'aimer, peut-être...

Je suis de plus très curieuse d'écouter l'adaptation musicale de certains des textes de Matthias Vincenot, juste pour découvrir comment les notes du musicien arrivent à boucler la boucle des vers de ces chansons jolies / déjà oubliées / dans un Monoprix.

Les textes s'adaptent parfaitement à l'air du temps. Ils sont résolument sous le signe du rythme, celui du cours du temps, plus ou moins rapide, plus ou moins enjoué. Tout prend un si doux tempo mais pourtant rien n'est figé. Le mouvement est toujours bien présent, comme un battement de coeur, l'envol d'un papillon ou le souffle du vent.

Un air du temps exprimé en toute simplicité, sans fioritures, sans mots alambiqués. La simplicité des mots de tous les jours met un peu plus en valeur le travail du poète à rechercher l'essence des mots, des sentiments, de la beauté intrinsèque de toute chose : un crâne chauve, un souvenir d'enfance, la mer au bout de la rue ou une sirène qui file sous le soleil.
A la lecture de ces petits bijoux, on prend encore plus conscience que la poésie fait partie du monde, même celui de tous les jours. Cela ne veut pour autant pas dire que le poète, un peu Pierrot lunaire, est coupé de la réalité. Loin de là ! Il faut lire les textes comme la Situation irrégulière, la Méchante ou C'est combien de temps.... qu'on sera con ? ou encore Mouvement de foule... pour nous détromper.

Il est extrêmement difficile de choisir un texte en extrait tant tout est bon à retenir, à savourer. Les textes sont emplis de rêveries, parfois de douce mélancolie, tous gorgés d'amour, de temps qui passe et parfois légèrement saupoudrés d'humour (Cf Chauve qui peut ! ). Dans Le déprimé et la déprimante, le jeu des sonorités, les vers répétés comme une ritournelle nous feraient presque manquer la chute de l'histoire. Et oui, des choses coquines se passent aussi.

Vers la fin du recueil, le poète nous annonce qu'Il manque ce poème / que je n'ai pas écrit Rassurez-vous, Monsieur Vincenot, tous vos poèmes contiennent déjà tout ce que vous lister dans ce poème qui manque. Rien, absolument rien ne manque. Tout est là, si bien, si délicieusement là.

Je ne peux évidemment que vous recommander cette lecture. On en ressort heureux, en paix.

Dédale

Extrait :

Il manque ce poème...

Il manque le poème que je n'ai pas écrit
Sur le désir, sur la rencontre, sur le temps
Sur l'incompréhension majeure, mais qui fait vivre
Et qui nous blesse en même temps

Il manque quelques mots sur l'idée de l'amour
Sur ce qu'on imagine ou bien qu'on croit comprendre
Sur ce qu'on croît connaître, sur un simple sourire
Il manque quelques mots sur l'idée de l'amour

Il manque le regard, juste quelques instants
La possibilité, la bascule et le vent
Il manque un coeur plus dur, plus fort certainement
Il manque un même lieu et le moment
Après les courants d'air, juste se tromper de vent

Il manque quelques mots égarés sûrement
De pays à pays, ou bien inversement

Il manque le poème que je n'ai pas écrit
Car il n'aurait pas su, comme je n'ai pas su
Mieux dire ou mieux comprendre, c'est l'idée du vécu
Il manque ce poème que je n'ai pas écrit.


Éditions Le temps des cerises - 75 pages